mercredi 23 juillet 2014

Auteurs(4): Bruno Heitz

Bruno Heitz est un auteur de bande dessinée que j'ai découvert par hasard, un jour où je fouinais dans la médiathèque de ma ville.

Son nom m'étant inconnu et son dessin pas plus accrocheur que ça, c'est le titre intrigant d'une de ses bédés, J'ai pas tué de Gaulle mais ça a bien failli qui m'a attiré l'oeil.

Je l'ai empruntée et m'en suis félicité. Je suis en effet entré dans une histoire très prenante, racontée sur un ton humoristique et percutant.

Ce livre commence par la description du parcours d'un jeune homme qui, après avoir quitté la Lorraine, vit d'escroqueries à l'assurance dans le Paris des années 60.

Bien vite, la petite histoire est rejointe par la grande, puisque notre héros se retrouve entrainé malgré lui dans la politique, plus précisément celle des défenseurs de l'Algérie française. Il va ainsi croiser l'OAS et l'attentat du Petit-Clamart.

Je l'ai lu d'une traite, et me suis rapidement attaqué à une autre aventure du même personnage, C'est pas du Van Gogh mais ça aurait pu, avant de commencer la série Un privé à la cambrousse, que j'ai encore plus aimée.

Dans cette dernière, Heitz met en scène des polars ruraux, qui se déroulent en Lorraine (sa région d'origine) pendant ces années où les campagnes étaient encore de petits mondes bien vivants, avec leurs commerces, leurs lieux de vie et leurs événements.

Le héros habite une ferme avec son frère, avec lequel il ne s'entend pas très bien, et il fait des tournées en camion pour le compte d'une épicière avare au caractère bien trempé.

Mais sa vraie vocation c'est d'enquêter, et chaque livre de la série le voit démêler une énigme plus ou moins compliquée, généralement peu sanglante et bien loin des habituelles histoires de crime du genre.

Les intrigues sont extrêmement bien ficelées, le suspense solide et l'humour très présent. Mais ce qui m'a tout de suite plu dans ces bédés c'est ce monde de la campagne qu'il décrit avec une grande précision, que ce soit les mentalités, les vêtements, les objets, les coutumes ou les véhicules (ah le fameux type H de Citroën...).

Le ton est juste, et il fait revivre cette époque pas si lointaine dont j'ai moi-même connu la fin durant mon enfance, en décrivant un de ces endroits où l'on est d'abord le fils Untel et où tout le monde connait et regarde tout le monde.

Côté dessin, c'est une sorte de ligne claire crayonnée, la longue série des enquêtes du privé étant en noir en blanc, les autres en couleur.

Je sais que Heitz fait aussi des livres pour enfants et touche également à d'autres domaines, mais je n'ai pas eu l'occasion d'aller plus loin.

En attendant, je suis assez frustré d'être arrivé au bout de ma série, que je recommande chaudement.

mercredi 2 juillet 2014

Musique(8): Chanteurs de niche

Dans le monde de la musique, il y a les poids lourds grand public, les Beyoncé, les Francis Cabrel, les Rolling Stones, les Katy Perry.

Il y a les stars qui le sont dans leur domaine, dans leur sous-genre, que ce soit le hard rock, la country, la musique électronique, le blues.

Et à côté d'eux il y a aussi ceux qui suivent leur chemin sur un créneau particulier. Ce créneau n'est pas forcément un style musical en soi, mais plutôt un secteur correspondant à un groupe particulier d'auditeurs.

C'est ce que j'appellerai les chanteurs de niche.

Je les ai rencontrés souvent par hasard et leur existence m'a semblé intéressante, parce qu'inattendue. La question de leur cheminement, de leur choix et de leur longévité m'a fasciné.

Je vais donner ici quelques exemples de ces "chanteurs de niche".

Les sosies de star et les tribute bands

Les premiers chanteurs de niche que je vais évoquer sont les sosies de star et les tribute bands. Les deux se réclament d'une star connue et de son répertoire, avec des nuances.

Dans le cas du sosie, le mimétisme est poussé à l'extrême: coiffure, arrangements, vêtements, visage, tout est fait pour qu'on ait l'impression de voir l'original.

Le film Podium évoquait les clones de Claude François, le petit monde qui les entoure et les concours qui les opposent.

Leur carrière est souvent obscure et plus proche du chanteur de bal que de leurs modèles. Je me souviens d'une affiche qui m'avait stupéfait quand j'étais jeune: Michel Sardou en concert dans un village poitevin de quelques milliers d'habitants!

En fait il s'agissait bien sûr d'un de ses clones, comme j'ai pu le constater en me rapprochant, peut-être Serge Cardu?

Les Tribute band, comme le nom l'indique (ça veut plus ou moins dire groupe hommage), jouent moins l’ambiguïté que les sosies.

Généralement, ils reprennent fidèlement le répertoire de leur modèle, certains en poussant le mimétisme à son extrême, comme Gary Mullen and The Works avec leur spectacle One night of Queen qui époustoufle les critiques, ou Abbamania, d'autres non.

Les motivations de ces artistes sont diverses.

On dit que les tribute bands sont apparus dans l'Australie des années 60, souvent peu visitée par les groupes anglais et américains du fait du coût d'un voyage à l'époque. Les tribute bands compensaient alors un manque.

Dans d'autres cas, il peut s'agir d'hommage, d'identification, d'un plan malin. Ou tout simplement de gens qui considèrent qu'ils ne font qu'appliquer au rock et à la pop ce qui se fait pour la musique classique, où des artistes reprennent Bach et Mozart depuis des lustres sans que personne ne trouve à y redire.

On trouve aussi des groupes plus étonnants/réjouissants, comme les tribute bands de filles dans le style très masculin qu'est le hard rock: citons Iron Maiden (The Irons Maidens tout simplement!), Métallica (Misstallica) et AC DC, qui semble inspirer beaucoup de ces dames (Hell's Belles, AC/DShe, ACDC Female Tribute Band).

Il y a enfin des formations où l'hommage n'est pas très loin de la parodie. Je pense aux étonnants Dread Zeppelin qui se sont faits connaitre en reprenant les titres de Led Zeppelin en version reggae avec un chanteur au look Elvis période Las Vegas.

Les carrières sont inégales parmi tous ces gens, et si les tribute band peuvent sans doute être agréables à regarder (si on aime le répertoire, pourquoi pas?), j'avoue une certaine perplexité devant ceux qui jouent les clones...

Les chanteurs nationalistes

Le deuxième groupe de chanteurs que je vais évoquer est encore plus obscur pour la plupart des gens. Il s'agit de chanteurs engagés, mais pas à gauche comme c'est implicite lorsque nos médias qualifient quelqu'un d'engagé.

Au contraire il s'agit de l'autre bord: les nationalistes. Je ne parle pas ici de style musical liés à des tribus comme les boneheads avec le RAC, mais plutôt de chanteurs de variété dont les textes reprennent les valeurs nationalistes.

Parmi eux, on peut trouver la chanteuse malgache Isabella, hallucinante version FN de la Compagnie Créole qui suit les Le Pen et dont j'avais appris l'existence dans un JT il y a au moins vingt ans.

Il y a aussi Docteur Merlin, dentiste chanteur dont je connais tout juste l'existence et surtout Jean-Pax Méfret, véritable star dans le secteur (un article sur son parcours ICI).

Ce journaliste pied-noir aux titres évocateurs chante l'Algérie française de son enfance, l'honneur militaire, les valeurs bafouées, les anciens combattants, l'horreur communiste. Musicalement, il se rapproche un peu d'un Michel Sardou et de la variété au sens large.

Les musiciens chrétiens

Dans ce même ordre d'idée d'une version idéologique de la musique populaire, il y a les chanteurs religieux. Je connais le phénomène pour le monde chrétien, mais j'imagine que ça peut exister pour d'autres religions (d'ailleurs les professions de foi musulmane qui envahissent le rap le prouvent).

Il a existé d'emblématiques chanteurs catholiques tels Soeur Sourire ou le Père Duval, que j'ai découvert grâce à la chanson "Trompettes de la renommée" de Brassens (ICI une interview croisée de ces deux auteurs). Mais c'est dans le monde protestant, toujours plus en prise avec la modernité, qu'on trouve le plus de musiciens chrétiens.

Aux USA, il existe notamment une véritable scène rock chrétienne, avec ses festivals, ses supporters, et dont le look et les arrangements n'ont souvent rien à envier aux "vrais" rockers. 

J'ai rencontré en France des fans protestants du groupe Pétra, qui semble un poids lourd là-bas. Toujours chez nous, il y a Steven Gunnell, ex-membre du boys band Alliage, qui a refait une carrière côté chrétien, et d'autres groupes plus confidentiels, tels Antydot.

Les chanteurs de charme de chez nous

Je terminerai par un sous-groupe qui n'en est pas vraiment un, celui des chanteurs de charme francophones.

Dans la lignée d'un Tino Rossi mais sans l'incroyable succès que celui-ci a pu avoir (il est le plus grand vendeur de disques francophone de tous les temps), leurs titres font la part belle au romantisme sucré et visent une certaine catégorie de public, essentiellement féminin et un peu âgé. Côté musical, ça lorgne plutôt vers la variété.

Citons Frédéric François (son site), qui a quand même une certaine notoriété (il entrait régulièrement au Top 50 du temps où je le regardais) et surtout l'étonnant Frank Mickael (son site).

Ce chanteur belge est une véritable idole et vend des millions de disques même s'il est globalement ignoré par les médias. Il a notamment un très grand fan club chez les femmes et remplit les salles à chaque tournée.


En conclusion, je dirai qu'il y a finalement plusieurs façons de faire carrière dans la chanson, et que comme dans tout marché il y a des niches. Ces quelques exemples montrent des artistes qui ont su en trouver une et y faire leur trou.

Liens:

- Abba mania: Gimme gimme
- Un des innombrables sosies de notre Cloclo national en spectacle
- Dread Zeppelin: Whole lotta love
- Gary Mullen and The Works: teaser de leur spectacle
- Hell's Belles: Whole lotta Rosie
- Mistallica: For whom the bell tolls
- Serge Cardu: quelques extraits
- Isabella: Avec Jean-Marie.
- Jean-Pax Méfret: Antoine
- Soeur Sourire: Dominique
- Père Duval: La mer est profonde
- Frédéric François: Je t'aime à l'italienne