dimanche 15 décembre 2013

Musique(7): Folk & country

Quand j'étais plus jeune, je détestais le bal musette, le flonflon, la musique populaire dite franchouillarde. Pour moi tout cela se rattachait aux beaufs, aux ringards, aux gros nazes bas du front, nappes à carreaux et rouge qui tâche, etc.

De même, la country et tous ses dérivés me semblaient extrêmement chiants et inintéressants. C'était la musique des conservateurs, des ploucs racistes.

Je ne jurais que par ce qui était "moderne", à savoir le Top 50 dans un premier temps (ne pas rire!), le hard rock dans un deuxième, puis d'une manière plus générale, le rock, pourvu qu'il ne soit pas "commercial", mot terrible qui valait condamnation pour n'importe quel artiste.

Bref, j'étais jeune, donc con, et à fond dans ce trip d'enterrer ses prédécesseurs et de rechercher l'absolu, le désintéressé, le "pur" dans la musique.

Puis j'ai grandi. J'ai commencé à aller un peu plus loin, à lire sur le sujet, à remonter les racines des influences de mes artistes favoris.

Cela m'a tout d'abord mené au blues, dont plusieurs titres étaient repris par quelques groupes ou chanteurs que j'aimais: Animals, Aerosmith, Led Zeppelin, les Doors...

Pendant un long moment, j'ai donc consciencieusement emprunté des CD dans la médiathèque où j'avais mes habitudes, découvrant John Lee Hooker, Rufus Thomas, Sonny Boy Williamson II, Howlin Wolf ou encore B.B. King et Muddy Waters.
A mon grand regret à l'époque, je n'ai pas accroché plus que ça...cette musique était certes sympa, mais il lui manquait généralement quelque chose pour me parler, pour vraiment me toucher.

Le rock venant d’un mélange blues et country, et la country se prolongeant dans le folk, je découvris aussi cet univers du folk, dont les artistes connurent leur âge d'or à peu près à la même époque qu'une grande partie de mes artistes favoris.

L'esprit folk me semblait intéressant, ce retour aux racines populaires de la musique, cette volonté de s'inscrire dans les chants simples du passé pour faire une musique engagée qui soit directe et sans fioritures.

J'écoutais donc Crosby, Still, Nash & Young, Joan Baez, Bob Dylan, etc.

Mais là encore, cette musique m’a laissé plutôt froid. Il faut dire que contrairement au blues ou au rock, le folk fait la part belle aux paroles. Et ces paroles, ben elles sont en anglais, et l'anglais chanté...ce n'est pas ma langue maternelle, c'est aussi bête que ça.

Il y avait aussi dans le folk pré cité un côté extrêmement politisé, dans le sens souvent simpliste du terme, qui m'a rapidement fatigué.

Les chansons à messages c'est bien, mais la musique c'est aussi quelque chose qui doit parler aux tripes, donner du plaisir, divertir. Bref, j'accrochai encore moins qu'au blues.

Toutefois, je continuai à creuser pour découvrir la riche histoire de la country américaine dont se réclamait les folkeux des seventies.

Cette musique résulte elle-même d'une fusion des mélodies apportées par les émigrants européens qui construisirent les USA.

On y trouve énormément de traditionnel anglo-saxon et irlandais (il semble que ces derniers ont été particulièrement populaires), des danses allemandes, polonaises et...françaises.

Via le Canada et la Louisiane, où naquirent les styles spécifiques cajun et zydeco, la musique populaire française a en effet marqué la country nord-américaine d'une façon étonnante et souvent méconnue de ce côté de l'Atlantique.

Cette découverte m'entraina logiquement vers l'écoute de musique québécoise et cajun.

La pop de la Belle Province me laisse généralement froid. A vrai dire, à part Lynda Lemay et son humour ravageur (par exemple ce titre fétiche pour moi), je la trouve en général aussi ennuyeuse que la musique irlandaise.

La musique de Louisiane m’a paru plus sympa, plus "noire" sans doute aussi. Beausoleil, Clifton Chénier & co m'ont un peu plus parlé, mais sans vraiment me conquérir.

Au final, après tous ces détours, je suis revenu à la source, c'est-à-dire à mon pays. J’ai vu que le mouvement folk avait également touché la France dans les années 70, produisant quelques groupes qui revisitèrent le patrimoine musical de l’Hexagone.

Étrangement, cette scène n’a pas vraiment émergé et reste aujourd’hui confidentielle, à l’exception des provinces périphériques à l’identité très forte, comme la Bretagne ou la Corse, omniprésentes quand on parle de folk français.

C’est d’autant plus dommage que la France possède un fond très riche et une longue histoire, mais on préfère en général écouter ce qui vient de l’extérieur.

Je suis aussi revenu vers des sonorités plus modernes en découvrant qu’il existait tout un courant, essentiellement américain, qui mêlait les rythmes et instruments des musiques traditionnelles à une énergie plus contemporaine, voire un esprit punk.

Plusieurs me séduisirent, comme Violent Femmes ou Sixteen Horsepower.

Que retenir de toutes ces pérégrinations musicales ? Plusieurs choses.

Tout d'abord la vérification d’une série de clichés qui disent qu’au fond il faut se méfier des étiquettes, que la musique se réinvente sans cesse et que les influences ne cessent de se mêler. Qui peut dire d’un morceau qu’il est blues ou country ? Qui peut dire d’où vient tel ou tel air ?

Le deuxième point concerne mes goûts. Je suis devenu plus tolérant, plus ouvert, moins dogmatique. C'est aussi dû à l'âge, mais le fait est que je fais maintenant "mon marché" de manière plus décomplexée, sans chercher l'arrière-plan des chanteurs.

Enfin, j'ai constaté que dans toutes les musiques traditionnelles que j’ai pu écouter, françaises, anglo-saxonnes ou autres (maghrébines, roumaines...), je retrouve des points communs, une espèce de mélancolie, une façon de chanter, une narration commune, que je comprenne la langue ou non.

Et ces styles me touchent de plus en plus. Même dans le musette honni j'ai parfois trouvé une forme de poésie touchante, comme lorsque l'accordéon pleure dans les chansons de Jacques Brel.

Quelques illustrations

- des titres rock qui m’ont fait écouter le blues
* Boom boom par les Animals et par John Lee Hooker
* Walking the dog par Aerosmith et par Rufus Thomas
* Bring it on home par Led Zeppelin et par Sonny Boy Williamson II
* Back door man par les Doors et par Howlin Wolf
* Where did you sleep last night par Nirvana et par Leadbelly

- De la musique de Louisiane
* Beausoleil : Cajun party
* Clifton Chénier : Zydeco sont pas salés

- Du néo-folk français
* Malicorne : Le luneux, Le bouvier
* Angelyn Thierry : La complainte de Mandrin

- De l’alternative country américaine
* Sixteen Horspower: Black soul choir, Sinner man

- Du traditionnel d'ailleurs
* Guillermo Portabales (Cuba) - El Carretero


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