samedi 20 janvier 2018

Musique (15) : Johnny Hallyday

Je commence ce post alors que l'hystérie est à son comble suite à la mort de Johnny Hallyday.

J'ai toujours eu un peu de mal avec cet artiste.

A l'instar par exemple de Michel Sardou que j'évoquais dans un autre post, Johnny faisait partie de ces monuments qu'on croise un jour ou l'autre et dont on aime généralement un titre ou deux. Mais il avait une place à part dans le panthéon musical national, que je n'ai jamais vraiment comprise.

Aussi je vais essayer de dire dans cet article ce que m’inspire cette éternelle « idole des jeunes ».

Tout d’abord, ce qui m'a frappé en premier chez lui, c'est son exceptionnelle longévité. Il a en effet réussi à rester toujours présent pendant sa très très longue carrière, la plupart du temps sur le devant de la scène.

Il a commencé à se faire connaitre au temps des yéyés, période finalement assez courte et où sa suprématie était loin d’être évidente (il me semble que Richard Anthony, par exemple, vendait autant sinon plus que lui).

Quand sa carrière a démarré, le rock était novateur. Johnny se positionna alors presque naturellement comme une sorte d'Elvis français, un clone très premier degré d'un chanteur qui l'était déjà.

Son aura sur la jeunesse française des années 60 était fantastique, et ses concerts des événements sulfureux et violents qui faisaient la Une des journaux

Ses titres n'étaient alors que des VF des hits anglo-saxons contemporains, sa gestuelle comme son style devaient tout à l'Amérique de carton-pâte qui faisait fureur à l'époque (à sa décharge, tous les pays européens de l’époque ont eu ce genre de versions locales), mais son animalité, son côté entier et son sens de la scène étaient authentiques et surent conquérir les enfants du baby boom.

Toutefois, en France comme ailleurs, la roue tourna, et ce qui l'avait rendu célèbre aurait pu (dû?) le vouer aux oubliettes quand la mode changea.

Et bien non.

Johnny s'installa dans le paysage, et continua à être cette caricature de rocker un peu ridicule et de plus en plus décalée, mais sans que ça lui nuise ou qu'on lui en veuille.

En réalité c’est un peu comme s'il avait conquis une sorte de pouvoir qui le mettait à l'abri du ridicule, l'empêchant de connaitre la destinée d'un Dick Rivers, autre artiste coincé dans les sixties, ou de virer vers le crooner et passer à autre chose, comme son complice Eddy Mitchell.

Certes, nul ne pouvait nier son talent.

C’était un véritable interprète et un showman de première, montant des spectacles grandioses comme plus personne ne le faisait en France (à part peut-être Mylène Farmer), avec de la pyrotechnie, des machines, des animations, et des passages originaux comme ce match de boxe sur scène qu'il faisait en 1969.

C'était aussi un musicien plus fin qu'on ne le croit généralement, qui composait certains de ses titres et sut toujours bien s'entourer, surfant sur les modes sans trop se renier et travaillant avec les gens du moment (Berger ou Goldman dans les années 80, Obispo dans les années 90, etc.).

Mais en même temps, il restait aussi toujours le "rocker", le biker à franges, appelé jusqu'à plus soif l'idole des jeunes, le rebelle, etc, même à l'époque où il était en âge d'être grand-père.

Cette place spéciale était consolidée par son omniprésence médiatique.

Présent dans moult émissions grand public, il était aussi un menu de choix pour la presse people. Johnny y avait en permanence une actualité, qu'il s'agisse de sa santé, de sa tumultueuse vie matrimoniale, de ses vacances, ses motos ou que sais-je encore.

Son absence d'engagement et ses tendances de droite aurait pu lui nuire (mai 68 le surprit à Saint-Tropez !), surtout aux grandes heures des chanteurs de gauche. Sa mise à l'abri du fisc en Belgique et en Suisse aurait également pu lui porter tort.

Mais en même temps, je me demande si ça ne lui a pas aussi conféré une authenticité particulière. En effet, chez lui pas de ce moralisme qu'on trouve chez tant de chanteurs engagés à gauche mais qui ont en même temps si souvent, comme on dit, le portefeuille à droite et agacent beaucoup de gens.

Il n'était ni Ferrat ni Sardou, et à ce titre ne clivait pas le pays. En somme il était Johnny, un gars qui s'était fait tout seul et qui jouissait tranquillement et sans complexe du fruit de son dur travail.

Car c'était un bosseur forcené qui a passé toute sa vie à tourner, à enregistrer, à faire des spectacles toujours renouvelés, et tous ceux qui l'ont vu disaient qu'il se donnait à fond, toujours.

Au fond la clé de son succès c'était peut-être ce mélange d’humilité, d’authenticité, de présence à tout prix et ce côté dur à la tâche qui imposait le respect.

Et moi dans tout ça?

J'ai toujours ressenti un peu de gêne lorsque mes amis étrangers le découvraient, un peu comme lorsque le cousin mal dégrossi débarque de sa campagne dans le salon des nouveaux amis Rive Gauche.

Chez les Anglo-Saxons il suscitait généralement un étonnement incrédule, comme s'ils tombaient sur un revenant, un musicien contemporain de leurs parents débarqué aujourd'hui en une sorte de retour vers le futur.

Chez les autres, c'était au minimum de l'incompréhension. Pour tous, bien vite venait l'ironie, voire la pitié.

Et lorsqu'ils apprenaient qu'il était le plus gros vendeur de disques de l'Hexagone et qu'il bougeait des foules énormes c'était toujours pour eux une surprise, pas forcément dans le sens flatteur du terme.

Mes parents, plutôt classiques, trouvaient qu'il avait une belle voix (et une belle gueule pour ma mère) mais se souvenaient de l'odeur de soufre de leur jeunesse et des excès de l'homme.

De mon côté pendant ma période top 50, j'ai eu l'album Gang dans mes K7, j'ai écouté quelques vieilleries plusieurs fois et enregistré quelques titres à la radio.

Plus tard, à l’époque où "commercial" et "rock FM" étaient des gros mots pour mes potes, je l’ai conchié comme tant d’autres avant moi (même si avec un soupçon de réserve).

Aujourd'hui j'ai toujours une copie du mythique live de 67 et j'apprécie quelques-uns de ses morceaux.

Mais au fond Johnny fait un peu partie de ce que j'appelle mes rendez-vous manqués. J’aurais aimé l’aimer, mais je n’ai jamais pu comprendre le culte autour de lui ni adhérer à 100%.

So long Johnny, tu resteras pour moi un mystère.

Peut-être bien que tu vas me manquer, comme manque un élément de décor auquel on s'était habitué de tout temps, car c'est aussi ce que tu étais.

Et ta mort sonne le glas des baby boomers, cette génération centrale de la France d'après-guerre qui commence à doucement passer la main.

Quelques titres sympa, connus et moins connus :
- Retiens la nuit (1961) - extrait du film Les parisiennes avec Catherine Deneuve
- Le pénitencier (1964)
- Confessions / Je suis seul enchaînés pendant ses concerts dans une de ses séquences les plus légendaires (1967)
- Les chevaliers du ciel, générique de la célèbre série inspirée de la non moins célèbre BD (1967)
- Que je t’aime (1969)
- Gabrielle (1976)
- L’envie (1986)
- Je te promets (1986)
- Laura (1986)
- Ton fils (1986)