vendredi 8 septembre 2017

Cinéma (18): Mélodie en sous-sol

Le film Mélodie en sous-sol d'Henri Verneuil, sorti en 1963, réunit deux monstres sacrés du cinéma hexagonal: Jean Gabin et Alain Delon.

Il s'agit d'un film policier classique et d'honnête facture, très "qualité française", qui raconte l'exécution d'un casse par un truand fraichement libéré et qui veut prendre sa retraite sur un dernier gros coup.

Celui-ci, le braquage de la recette d'un casino sur la Côte d'azur, est lentement détaillé. Les actions se mettent en place progressivement et avec le bon tempo. Les bons mots se succèdent et font mouche. Et le jeu des acteurs, bien qu'il ait un peu vieilli, est un plaisir à voir.

Mais pour moi, ce qui distingue cet espèce d'ancêtre des Ocean's Eleven, Twelve et compagnie de ses nombreux cousins, ce sont deux scènes extraordinaires.

[ATTENTION: SPOILER]

La première est anthologique parce qu'elle constitue une illustration parfait des fantastiques bouleversements que connaissait la France d'alors, au milieu des Trente Glorieuses.

Elle débute en nous montrant Gabin qui sort du métro pour rentrer chez lui après avoir purgé sa peine de prison, et se retrouve complètement paumé: en effet, il atterrit dans les chantiers de l'emblématique grand ensemble de Sarcelles.

Verneuil nous fait découvrir ce lieu en faisant se succéder des vues de tours, de chantiers, de grues, et en donnant l'impression d'une architecture sortie brusquement de terre pour tout recouvrir sur son passage.

Le vieux truand y est complètement perdu et il erre dans cette zone en devenir, cherchant péniblement la maison qu'il possédait dans une rue dont personne ne se souvient parce qu'elle a changé de nom.

Quand il y arrive enfin, l'image que donne son pavillon isolé au milieu des tours fait une impression très forte. Philosophe, il se rappelle alors qu'il avait acheté cette maison pour être au vert...

Aujourd'hui ce passage a presque une valeur documentaire, donnant une image saisissante de cette expansion majeure des grands ensembles, dont j'ai déjà parlée dans un vieux post et qu'on voit aujourd'hui d'un très mauvais œil.

La deuxième scène qui m'a marqué termine le film.

A ce moment, le casse est terminé. Il s'est bien déroulé, l'argent est dissimulé dans une cabine de piscine et nos voleurs ont prévu de rester dans la ville le temps que l'affaire se tasse et que la Police se calme.

Mais malheureusement, suite à une erreur du personnage joué par Delon qui s'est rendu trop visible, les plans sont chamboulés et ils doivent s'enfuir plus tôt que prévu.

Notre homme va donc sortir les sacs d'argent de leur cache puis repartir, mais sur le chemin du retour il croise des policiers en grande discussion avec le comptable braqué. Et il entend celui-ci dire qu'il ne pourrait pas reconnaitre les voleurs mais qu'en revanche il se souvient très bien...de leurs sacs!

Un peu paniqué et à court d'idées, il décide alors de laisser glisser son butin dans la piscine pour le récupérer une fois les flics partis.

Mais il a commis une erreur: les fameux sacs ont été mal ou pas fermés.

Et c'est alors que lentement, un à un, les billets vont remonter à la surface de la piscine, finissant par la recouvrir entièrement en attendant d'être repérés par des employés, sous le regard impuissant et plein de rage rentrée des deux truands (le visage de Gabin vaut le détour). Cette fin ironique vaut son pesant de cacahouètes.

J'ai passé un excellent moment avec ce film, oeuvre d'un réalisateur au parcours étonnant.

Verneuil était en effet un survivant du génocide arménien arrivé en France à l'âge de quatre ans et qui obtint ensuite le titre de réalisateur hexagonal ayant réuni le plus grand nombre de spectateurs pendant toute sa carrière, faisant un joli pied-de-nez à l'Histoire.