samedi 14 janvier 2017

Sweet sixteen

L’adolescence, que j’ai déjà évoquée dans un précédent post, est un moment unique de l’existence, une espèce de longue transition entre l’enfance et l’âge adulte, parfois douloureuse, souvent compliquée.

Il y a dans mes proches une jeune et jolie fille de seize ans, très à la mode et dont le compte Facebook regorge d’innombrables amies qui se mettent en scène, offrant le spectacle de la vie publique d’une fille occidentale d'aujourd’hui.

J'éprouve une certaine fascination à regarder ces photos, cherchant je ne sais trop quoi dans ces successions de mises en scène, paysages convenus et pensées à quatre sous assénées avec le plus grand sérieux.

Toutes ces filles aiment parler anglais, se montrer à leur avantage et jouer à la femme fatale, mais on retrouve d'innombrables traces qui trahissent leur âge.

C’est cet entre-deux qui rend l'adolescence troublante, qu'on la vive ou qu'on la regarde, d'avant, quand on est enfant, ou d'après, quand on est adulte.

Depuis longtemps la femme qui réunit à la fois les attributs de la féminité et ceux de l'enfance constitue l'un des stéréotypes sexuels les plus forts.

Aujourd'hui des actrices comme Scarlett Johansson ou Jessica Alba en sont de dignes représentantes, et l'attraction planétaire qu'a suscitée Brigitte Bardot dans les années 60 était aussi due à cet aspect-là du personnage.

Toutefois, ce statut de "femme enfant" n'est pas forcément simple à vivre, comme me le racontait une amie collant peu ou prou à cette définition.

En effet, vos interlocuteurs vous parlent soit avec la condescendance qu’on peut avoir pour une petite fille, soit avec une attirance visible qui fausse les rapports (ce deuxième point est d'ailleurs vrai pour tous les gens vraiment beaux), soit les deux.

Le résultat c'est qu'on n'est jamais vraiment pris au sérieux ni mis sur le même plan que les gens plus ordinaires. Certaines savent s'en servir et en profiter, d'autres, refusant d'être résumées à leur physique, le vivent comme un problème.

Toujours est-il que la "sweet sixteen" est un fantasme, un rêve inavoué et un stéréotype sexuel, source d'inspiration pour de nombreux artistes.

On chante, comme Iggy Pop ou Gérard Blanchard (avec son Adeline) on filme (Baby Doll, La petite allumeuse, L'année des méduses, les deux versions d'un moment d'égarement en 1977 et en 2015) et on écrit sur l'effet ravageur qu'elle peut avoir sur les hommes.

A côté de la MILF, de l'infirmière ou de la secrétaire c'est aussi l'un des personnages incontournables du monde érotique.

On en trouve un exemple troublant avec le personnage de la strip-teaseuse qu'incarne Mia Kirshner dans l'étrange film Exotica. Elle est également mise en scène dans les bordels ou dans de nombreux hentais.

Je conclurai par une réflexion personnelle.

Je trouve que notre époque a tendance à amener les filles un peu trop vite vers leur "féminité" (je mets des guillemets car c'est une féminité stéréotypée).

Ainsi, certaines petites de la classe de CP de mon fils ont les mêmes vêtements que leurs mères, et on en trouve au collège dont le style est déjà agressivement sexualisé.

A l'autre bout du champ, il y a les islamistes, obsédés par une version étriquée de la pudeur qui les pousse à isoler et couvrir leurs petites de plus en plus tôt, ce prétexte de protection en faisant paradoxalement des objets sexuels dès leur plus jeune âge.

Il me semble qu'on ne devrait pas être si pressé, que l'enfance mériterait de prendre son temps et qu'il est toujours assez tôt pour trouver sa voie, son genre, et devenir -ou pas- une sweet sixteen.