mercredi 14 septembre 2016

Cinéma (15): Les mystérieuses cités d'or

Je garde un souvenir attendri de mon enfance, du moins de ma naissance jusqu'à mon entrée au collège.

Comme pour beaucoup de gens je crois, le temps en a réduit les aspérités et les moments difficiles.

Et quand j'y repense, même si je me souviens encore assez bien de mes angoisses et des moments désagréables, c'est d'abord un ensemble de souvenirs émerveillés qui me revient, un tout petit monde qui a pour moi le goût du paradis perdu.

Je ne me vautre pas (pas encore !) tous les jours dans mon passé, bien sûr, mais il y a des choses qui me ramènent instantanément à cette époque-là, et parmi toutes ces madeleines, il y a Les mystérieuses cités d'or).

Ce dessin animé, diffusé à partir de 1982, m'a tellement marqué, je l'ai tellement aimé que même au plus fort de l'adolescence ou au début de ma vie d'adulte, cette période par excellence où l'on regarde devant soi en ignorant le passé (voire même en crachant dessus), les simples notes de son générique ont toujours suffi à me plonger dans une profonde nostalgie.

Et aujourd'hui encore, lorsque j'entends l'inoubliable voix de feu Jean Topart déclamer le "Au revoir, à bientôt" qui clôturait le reportage final de chaque épisode, je retrouve instantanément la sensation de tristesse et de frustration de mon enfance, lorsque je réalisais qu'il allait falloir attendre encore une semaine avant d'avoir la suite...si on l'avait! Car à l'ère pré-magnétoscope un épisode raté l'était jusqu'à une hypothétique rediffusion.

Les mystérieuses cités d'or est une oeuvre franco-japonaise, créée à Tours pour le côté français, car à l'époque on produisait encore beaucoup de choses sur le territoire, y compris en province.

A son origine on retrouve Jean Chalopin, ce véritable magicien dont les oeuvres marquèrent tous les ex-enfants de mon âge.

J'ai découvert ce dessin animé par hasard, en tombant un après-midi sur l'un des épisodes qui se déroulaient aux îles Galapagos (dont j'appris alors l'existence). Et d'emblée, j'ai été conquis par l'histoire, les personnages et tout l'univers qu'il y avait autour.

Les héros sont trois enfants que le destin va réunir.

Il y a d'abord Esteban, un petit orphelin aux origines incertaines, recueilli en mer puis élevé dans un monastère de Barcelone. On le dit doué du pouvoir de commander au soleil et si lui-même n'y croit pas, il y parvient néanmoins plusieurs fois.

Il y a ensuite Zia, la fille d'un prêtre inca déportée à la cour d'Espagne et qu'un amour sans faille lie à Esteban depuis leur rencontre.

Il y a enfin l'étrange Tao, descendant du Peuple de Mu au phénotype mélanésien et rencontré dans une île.

Toujours accompagné par Pichu, son irrésistible petit perroquet vert, il trimballe en permanence avec lui un dictionnaire encyclopédique hérité de ses ancêtres, ce qui lui permet de tirer le groupe de plus d'un mauvais pas.

Bien vite, on devine que ces enfants ne sont pas ordinaires, et qu'ils ne sont pas rencontrés par hasard.

Au contraire, ils sont en quelque sorte programmés pour réaliser une prophétie ancestrale, qui commence par la découverte de sept mythiques cités d'or (d'où le titre).

Eux seuls en ont la clé, ainsi que le prouvent les objets mystérieux qu'ils ont reçus en héritage: un étrange vase pour Tao et deux médaillons jumeaux pour Esteban et Zia.

Pour ces derniers, cette quête coïncide avec la recherche de leurs pères respectifs. A ce propos, j'ai noté que curieusement, les mères sont complètement absentes de la série. Même Tao dans ses souvenirs ne parle que de son géniteur.

Mais bien évidemment les cités d'or intéressent aussi beaucoup de monde, à commencer par les avides Espagnols, présentés comme cruels et obsédés par le métal jaune.

Parmi ceux-ci il y a Mendoza, un navigateur rusé et ambigu dont le destin croise celui d'Esteban depuis le début, et Pedro et Sancho, ses deux acolytes un peu benêts (1). Ces trois-là vont suivre les enfants pendant toutes leurs aventures.

Celles-ci, qui se déroulent principalement en Amérique centrale, sont pleines de rebondissements et de coups de théâtre.

On y croise des inventions fabuleuses, comme le Solaris, un incroyable bateau solaire, ou le Grand condor, une sorte d'avion également solaire à l'image de l'oiseau du même nom, des villes oubliées protégées par des mécanismes compliqués, des créatures fantastiques.

On y rencontre de nombreuses tribus et civilisations connues, comme les Aztèques, les Incas ou les Mayas.

On en voit d'autres plus improbables comme les géants Urubus, une tribu d'Amazones ou encore les inquiétants Olmèques, survivants simiesques et dégénérés d'une civilisation perdue (cette partie-là m'avait déjà parue un peu débile à l'époque).

On y réfléchit aussi, la morale est importante, et à chaque fin d'épisode un petit reportage nous présente un aspect de l'histoire, du lieu, de la culture ou des légendes qu'on vient d'évoquer.

Pour moi qui ignorais alors tout des civilisations précolombiennes, du grand choc de 1492 et de l'épopée des conquistadors (je me souviens même avoir été interloqué par les interrogations du pré-générique "Qui n'a jamais rêvé...?" parce que justement je faisais partie de ceux qui n'avaient jamais rêvé !!) Les mystérieuses cités d'or étaient une révélation.

Bref, avec ce cocktail, j'étais sûr de passer un excellent moment, et le suspense était entretenu par une petite présentation de ce qui venait la semaine d'après ("Ne manquez pas le prochain épisode des Mystérieuses cités d'or").

L'ampleur du succès et surtout de la culture fan générée par la série semble avoir surpris ses créateurs, mais elle s'arrêta pourtant en 1983, et il fallut attendre pas moins de trente ans pour qu'une suite voit le jour.

Celle-ci, qui raconte la quête par nos six héros d'une deuxième cité d'or dans la Chine impériale, est sortie en 2012, et je me suis empressé de la voir avec mes enfants.

J'ai trouvé, au contraire de beaucoup de puristes de la première version, qu'elle était aussi réussie que l'originale, tout en ayant su évoluer avec son temps.

Tout d'abord outre un dessin et des musiques remises au goût du jour (les arrangements d'Haim Saban et de Shuki Levy ont terriblement vieilli), le rythme est plus vif et plus soutenu.

Ensuite, certains personnages ont changé.

La transformation la plus spectaculaire est celle de Zia. Alors qu'en 1982 c'était une petite fille fragile quémandant la protection d'Esteban, en 2012 elle est bien plus volontaire, ne s'en laisse pas compter et n'hésite pas à s'affirmer.

Cela fait réfléchir sur l'évolution de l'image de la femme depuis mon enfance, et c'est plutôt positif.

Le deuxième personnage qui a beaucoup changé est Mendoza, et cette fois-ci je n'ai pas trop apprécié ces transformations.

Tout d'abord il semble avoir rajeuni.

Ensuite il est plus chevaleresque que dans la première saison (sauf avec Pedro et Sancho, avec qui il est moins complice et plus dur).

Et surtout il a perdu toute l’ambiguïté qui en faisait un personnage complexe et fascinant, une sorte de version espagnole du Long John Silver de l'Ile au trésor de Stevenson (un de mes livres d'enfance de chevet).

De plus, on le voit sortir son épée à la moindre occasion, pour livrer des combats spectaculaires qui doivent beaucoup à la culture jeux vidéos.

Car un autre point c'est que les bagarres aussi ont été revues à la hausse, notamment grâce à l'apparition d'un nouveau personnage, le super méchant Zarès.

Celui-ci est un envoyé de Charles Quint à la force surnaturelle et à la terrifiante voix de basse, une sorte de mélange entre Dark Vador et les personnages d'Assassin Creed, qui rôde sur la piste de nos héros.

Un deuxième personnage important est introduit dans cette saison: Ambrosius, un alchimiste français, érudit, cabotin et plein de ressources qui se déplace dans une nef volante, une espèce de proto-dirigeable qui est l'une des plus belles trouvailles de la série.

Il apportera son aide à l'équipe mais on découvrira peu à peu qu'il a lui aussi un côté sombre et ambigu.

Comme en 1982, la quête de la cité d'or est un prétexte pour nous faire découvrir la région. On y croise l'empereur, des pirates, des moines Shaolin, on y voit le Tibet et la cité interdite. Là encore des reportages viennent éclairer et compléter chaque épisode.

Les cités d'or II se terminent sur un coup de théâtre spectaculaire et un suspense haletant, qui devrait être résolu dans la troisième saison. Celle-ci est prévue pour cette année et se passera au Japon (il devait au départ y avoir sept saisons pour autant de cités)..

Je compte bien être là pour la voir, et mon moi de huit ans s'en réjouit d'avance...



(1) J'ai noté que dans toute série qui se respecte, il est indispensable qu'il y ait un ou deux personnages de ce modèle.