vendredi 22 novembre 2013

La Sainte Sous-Traitance (2): Dérives

Dans le précédent post, j'ai évoqué l'irrésistible essor de la sous-traitance mondialisée qu'a connu le monde ces dernières années. Dans cet article je vais parler de la face sombre du phénomène.

Sous-traitance "idéologique"

L'appel d'air financier et la souplesse donnée par l'externalisation a entrainé ce qu'on peut considérer comme une sous-traitance idéologique: pour certains, sous-traiter semble être devenu une sorte de panacée servie à toutes les sauces.

On externalise des pans entiers du cœur de métier de l'entreprise, confiant à des prestataires des fonctions stratégiques, notamment dans le SI des entreprises, délégant la gestion de ses pièces essentielles et de la matière grise associée à des acteurs extérieurs.

On externalise pour baisser les coûts, mais aussi, du moins en France, pour préserver les statuts de ceux qui sont "en fixe", de la même façon qu'on a recours à l'intérim.

Ce petit calcul fait cohabiter au sein des entreprises deux populations, les internes et les externes, qui font censément le même travail, mais pour des salaires et dans des conditions radicalement opposées.

Et cette course un peu folle n'épargne pas les états, qu'ils l'assument pleinement ou qu'ils le fassent en catimini. Même les sous-traitants un peu gros ont recours à la sous-traitance, engageant à leur tour des prestataires plus petits ou des indépendants.

Confusions des genres et conflit d'intérêt

La sous-traitance est une bonne chose quand elle est faite avec mesure et discernement.

Confier le gardiennage ou la restauration de son site à une entreprise connue, faire assurer le développement de son SI par des spécialistes, mutualiser son secrétariat a du sens. On est dans un échange client-fournisseur classique, du donnant-donnant économiquement intelligent.

Par contre, donner le pilotage de son SI à des externes, sous-traiter sa R & D à un tiers ou pallier à ses propres blocages RH en reportant la pression sur un fournisseur est dangereux pour une entreprise.

En faisant ça, elle perd le savoir, elle perd le contrôle, elle perd ce quelque chose de moins quantifiable et de plus diffus qu'on appelle la culture d'entreprise et qui fait aussi sa richesse.

Ça fait un peu cliché de parler de capital humain, mais c'est une réalité.

Dans une mutuelle où je suis passé comme chez EDF où travaille un de mes amis, les internes qui avaient connu l'avant sous-traitance ont acquis une connaissance et une expérience énorme et sous-estimée, que le turn over des prestataires ne pourra jamais remplacer, a fortiori si ceux-ci travaillent à distance.

Et en cas de problème sérieux, il arrive qu'on aille piteusement les rechercher dans leur placard ou leur retraite, car ils sont les seuls à avoir suffisamment de recul et de connaissance pour le résoudre.

Autre point important, un prestataire n'a pas son client comme employeur. Son investissement dans la mission ne va donc pas avoir d'effet direct sur sa propre fiche de paye, sur sa carrière.

En conséquence,ses intérêts ne sont donc pas les mêmes que son client, envers lequel il n'a ni la même loyauté ni la même responsabilité que ceux que ce dernier a directement embauchés.

J'ai souvent vu des "internes" se plaindre de la non implication des prestataires, de leur je-m'en-foutisme, voire leur déloyauté.

Ce comportement est pourtant parfaitement logique et c'est la rançon de la sous-traitance poussée à l'extrême.

Perte de responsabilité

Une autre conséquence, à mon avis encore plus grave que cette divergence d'intérêts, c'est la dilution de la responsabilité.

Quand vous avez sous-traité une fonction importante de votre entreprise à un tiers, parfois soumis à un droit du travail différent, qui lui-même emploie d'autres sous-traitants dont vous ignorez ou non l'existence, que se passe-t-il en cas de problème? Qui est responsable?

On en arrive ainsi aux polémiques sur les enfants travaillant chez les sous-traitants asiatiques d'Apple ou de Nike, sur les clandestins employés par des sous-traitants de niveau 2, 3 ou plus du bâtiment, du gardiennage ou du ménage, aux pratiques louches des banques de niveau 3 dans les montages financiers de blanchiment de l'argent et tutti quanti.

J'ai habité à côté d'une entreprise de nettoyage qui employait des Africains sans papier, lesquels travaillaient parfois depuis des années.

A l'occasion d'une grève, on a découvert qu'elle les envoyait jusque dans les collectivités locales, voire des ministères (!)

Je me souviens aussi d'un scandale lorsqu'on découvrit qu'une partie des ouvriers travaillant sur le chantier d'une gendarmerie étaient dans l'illégalité.

Sans aller jusqu'à ces exemples un peu particuliers, dans le cas d'un service non rendu correctement par un fournisseur utilisant plusieurs niveaux de sous-traitance, la réparation/correction ou le paiement des dommages et intérêts pourront se révéler très longs, voire kafkaïens, chacun se renvoyant la balle.

Bien sur, ce flou peut être un choix cynique qui débarrasse le commanditaire final de sa responsabilité en la sous-traitant en même temps que le "sale boulot"...

En revanche, la défaillance d'un sous-traitant impacte tous ceux qui l'emploient, que ce soit en terme financiers ou en terme d'image.

Du coup, les économies faites en sous-traitant peuvent être englouties par un scandale. On pense à la récente affaire de la viande de cheval pour Findus.

Et il y a d'autres exemples encore pires, comme le souligne cet article qui va dans mon sens et dont je trouve le libellé très pertinent.

Dilution des fonctions régaliennes

Parmi toutes les dérives que je trouve éminemment inquiétants, il y a enfin la sous-traitance des fonctions régaliennes de l'État, à commencer par la sécurité.

De plus en plus, en effet, les gouvernements emploient ce qu'on aurait appelé autrefois des mercenaires pour épauler leur police ou leur armée.

J'ai lu qu'en Hongrie, la police travaillait énormément avec des policiers sous contrat privé, le rapport étant quasiment de un pour un (ma source date un peu, mais l'idée est là).

Lors de l'opération qui a abouti à la destruction de l'armée de l'air ivoirienne par la France, des soldats privés ont été signalés par les journalistes ivoiriens.

Leur utilisation a été encore plus flagrante lors de la deuxième guerre en Irak, où en additionnant le nombre de combattants sous contrat privé on arrivait à un effectif supérieur à celui de l'armée britannique, ce qui faisait de ces mercenaires la deuxième force sur le terrain en terme d'hommes.

Cet emploi de sous-traitants, généralement pour des missions dangereuses de gardiennage ou de convoyage, présente l'avantage politique indéniable de faire baisser les statistiques de morts au combat, puisque les mercenaires tués en service n'apparaissent pas dans les listes. Mais les risques de bavure sont bien réels.

Aux USA, ce sont également des acteurs privés qui gèrent une bonne partie des prisons. On n'ose imaginer les dérives de ce business, dont le développement et la pérennisation nécessitent qu'on incarcère un maximum de gens.

Enfin, dans les fonctions régaliennes sous-traitées, il y a la gestion des centrales nucléaires, équipements sensibles financés par l’État et relevant de l'indépendance énergétique d'un pays.

Tout dysfonctionnement dans ce domaine a des conséquences désastreuses, comme on peut le constater au Japon, et l'externalisation de ces fonctions pose un problème évident.

En conclusion, tout cela semble confirmer l'idée que nous vivons bien, comme le disait Gilles Bridier dans son article, une bulle de la sous-traitance, système qui à l'instar de la finance, est utile et bénéfique, mais s'est dangereusement emballé ces derniers temps, pour parfois tourner à vide.

Les bulles sont censées finir par éclater, espérons que celle-ci le fera sans trop faire de mal.

Livres (4): De l'autre côté de l'eau

Parmi les livres qu'on lit, il y a ceux des auteurs ou des genres auxquels on est fidèle, il y a ceux qui ont trait à un pays ou à une époque que l'on aime, et puis il y a les OVNI, ceux qu'on ne sait pas où ranger, qui n'entrent dans aucune case prédéfinie.

De l'autre côté de l'eau, de Dominique De La Motte fait partie de cette dernière catégorie.

Ce livre est le journal, écrit plus de cinquante ans après les faits, d'un officier de l'armée française en Indochine. Dit comme ça, on imagine le livre pontifiant, colonialiste, avec des chiffres et des batailles...

C'est exactement le contraire.

Tout d'abord un petit point de contexte.

L'Indochine française regroupait les états actuels du Cambodge, du Laos et du Vietnam, alors lui-même découpé en trois entités: Tonkin, Annam et Cochinchine. Les statuts de ces territoires étaient variés, allant d'une colonie directement administrée au protectorat.

Conquise progressivement durant la deuxième moitié du XIXième siècle, l'Indochine était, avec l'Algérie, le fleuron de l'empire français.

Contrôlées par les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale, ces colonies déclarèrent leur indépendance après le retrait des troupes nippones, qui décimèrent brutalement l'administration française avant de partir.

La France refusa et dès la Libération envoya un corps expéditionnaire reprendre le contrôle de ces territoires, la restauration de l'empire paraissant à beaucoup comme une condition sine qua non pour que le pays reprenne son rang.

Commença alors un long conflit sur fond de guerre froide, les USA finançant largement l'effort français, la Chine populaire et l'URSS soutenant massivement le Viet Minh. Il ne prit fin côté français qu'en 1954, avec les accords de Genève.

C'est dans le cadre de cette longue et sale guerre que le tout jeune Dominique De La Motte s'est vu attribuer la responsabilité d'un poste isolé gardé par des auxiliaires indigènes.

De l'autre côté de l'eau décrit cette expérience, qu'au soir de sa vie l'auteur considère avoir constitué l'apogée de sa carrière, voire de son existence.

Ce livre de souvenirs m'a fasciné parce qu'il sonne vrai. L'auteur ne ment pas, n'enjolive pas, ne noircit pas, semble simplement vouloir nous raconter sans fioritures ce moment de sa vie.

On le sent également sincère sur ce qu'il était, un Français catholique, attaché à la mission de l'armée française et de son pays, sans être pour autant convaincu d'une supériorité intrinsèque de sa "race" sur les indigènes, et cherchant l'aventure sans a priori ni avis définitif.

Simplement et directement, il raconte sa rencontre avec son poste, où il était le seul blanc, son renoncement rapide à apprendre la langue en voyant que le ridicule de ses difficultés nuisait à son autorité, puis son adaptation toute pragmatique à la mentalité des différentes ethnies qu'il allait côtoyer.

Concernant ses hommes, il en parle avec respect et curiosité.

Il cite par exemple une discussion avec eux sur leurs croyances et religions respectives sans en tirer de conclusion définitive ou d'idée dé supériorité.

A contrario, il note chez le Chinois qui travaille pour lui un très fort complexe de supériorité, vis-à-vis de toutes les non Chinois, blancs inclus.

Dans le même ordre d'idée, il raconte ses démêlées avec le planteur qu'il est censé protéger puisqu'il est dans son secteur.

Celui-ci le prend du haut de sa morgue coloniale et lui fait des menaces à peine voilées, mais il parvient à le remettre à sa place sans se renier.

De La Motte cite aussi les moqueries qu'inspirent ses états d'âme à un homologue marocain qui tient un poste indigène du même genre en y faisant régner l'ordre sans se poser de questions.

Ce respect sans jugement ne le rend pas pour autant dupe ou naïf sur ses rapports avec les indigènes.

Il raconte s'être drogué tout le temps de son affectation afin de ne quasiment pas dormir et ainsi ne pas être pris en défaut.

Pour garder la distance nécessaire à son office, il refusait également de prendre une congaï, ainsi qu'on appelait les concubines indigènes d'à peu près tout le personnel européen de la colonie.

Il explique aussi que ses troupes avaient la propension à changer facilement de camp et que pour en obtenir des résultats, il devait tisser un lien personnel de sujétion avec eux.

Et pour créer ce lien, il lui fallait rendre la justice et représenter l'autorité sous toutes ses formes, y compris lors de querelles domestiques. rôle difficile mais indispensable pour rester crédible. Il devait aussi s'attacher à payer, et à bien payer, ses troupes.

Il décrit aussi les combats imprévisibles et violents où il oppose ses soldats à un ennemi non identifiable et qui leur ressemble.

Enfin, il nous parle de la relation difficile avec une hiérarchie méfiante, versatile et appliquant tant bien que mal des politiques erratiques et contradictoires.

Quand ce livre se clôt, on reste songeur sur cet épisode oublié de notre histoire récente.

La sincérité de cet homme qui a fait de son mieux pour une tâche qu'il savait un peu absurde et qui a été marqué à vie par cette expérience est presque dérangeante.

De fait, ce n'est ni une apologie datée ni une condamnation convenue du colonialisme. On ne sait pas vraiment ce qu'il en pense et on a l'impression que là n'est pas la question.

De l'autre côté de l'eau est en fait un simple compte rendu de la naissance d'un homme à lui-même dans situation historique particulière, avec des acteurs qui ne sont ni les bons ni les méchants, juste des hommes. 

Cela rend ce témoignage d'autant plus fort.

Précédent: Livres(3): Le cul de Judas
Suivant: Livres(5): Brut 

La Sainte Sous-Traitance(1): Développement

Aujourd'hui je parlerai d'une tendance lourde qui a touché en profondeur l'économie de ces dernières années: le recours de plus en plus large à la sous-traitance.

Cette pratique, aussi vieille que le business lui-même, s'est en effet récemment et massivement étendue à l'économie tertiaire.

Par ailleurs, cet élargissement du champ de la sous-traitance se caractérise également par un recours plus fréquent à l'étranger.

La combinaison de ces deux aspects a des conséquences importantes sur nos sociétés, et remet en cause le schéma qui avait longtemps prévalu.

Jusque-là, on disait en effet que les économies des pays développés devaient se tertiairiser pour compenser les pertes de marché et d'emploi dans les deux premiers secteurs de l'économie, discours qui est maintenant à revoir.

Dans cette série de posts, je vais détailler ces tendances, leur historique et leurs impacts les plus marquants.

Définition

Sous-traiter signifie grosso modo déléguer contre rémunération une partie de ses activités à un tiers, qu'il s'agisse d'une personne ou d'une entreprise.

Le modèle ancien de l'entreprise était un peu celui d'une ruche auto-suffisante.

Elle employait des gens pour son coeur de métier, mais aussi pour tout ce qui la faisait tourner par ailleurs.

C'est-à-dire qu'elle avait du personnel pour toutes les activités autres que la production de ce qu'elle vendait.

Il y avait bien sur les services strictement administratifs, comme le secrétariat, la comptabilité, les achats, le courrier.

Il y avait aussi les personnes attachées à rendre d'autres prestations : gardiennage, restauration, maintenance technique puis informatique, parfois infirmerie, crèche, bibliothèque...

Tous ces gens relevaient du même employeur que les ouvriers qui fabriquaient dans le cas d'une usine, que les employés qui géraient les fonds dans le cas d'une banque, que les fonctionnaires qui servaient le public dans le cas d'une administration, etc.

Puis peu à peu est apparue l'idée qu'il était possible de faire des gains de productivité sur ces emplois annexes en les externalisant, de façon à réserver les forces vives de l'entreprise pour ce qui l'enrichissait vraiment ou ce pour quoi elle existait en premier lieu. Les arguments étaient multiples.

D'abord lorsqu'on sous-traite, le temps, l'énergie et les coûts consacrés à la gestion de services en interne se réduisent au choix d'un prestataire et à la signature d'un contrat. Au sous-traitant de gérer le recrutement, la paye, le suivi de carrière, l'hébergement ou la formation de ses employés.

Ensuite, la mise en concurrence de différents prestataires permet de jouer sur les prix et, en cas de mécontentement, de changer de fournisseur sans avoir à gérer de plan social ou d'opération de recrutement.

En effet les sous-traitants, du fait de leur spécialisation et des volumes traités, peuvent faire des économies d'échelle importantes qui se répercutent sur le prix auquel on les paye.

Enfin, le recours à des entreprises spécialisées permet d'utiliser un savoir-faire que l'on n'a pas besoin d'acquérir et pour lequel on ne peut de toute façon pas rivaliser avec elles.

Une demande générant toujours une offre, les entreprises sous-traitantes se sont multipliées et le succès fut au rendez-vous.

Développement

Les premières sous-traitances ont touché les services généraux, comme l'entretien et la restauration.

A mes débuts dans le monde du travail, dans les années 90, je suis passé dans quelques entreprises qui avaient encore leurs propres cantines, gérées par des employés dédiés.

Déjà rares à l'époque, ils ont depuis majoritairement été remplacés par Sodhexo et consorts.

Ceux-ci règnent maintenant en maitre sur les restaurants d'entreprise, leurs gestions de stocks et de personnel sur de très grandes échelles leur permettant d'offrir un meilleur prix et un savoir-faire certain.

J'ai pu voir ce calcul s'appliquer à d'autres fonctions.

Premier exemple, les services informatiques, qui ont pour ainsi dire disparu, suivant un processus en plusieurs phases.

Phase 1: toutes les petites mains de l'entreprise, celles qui réparaient les ordinateurs, dépannaient les utilisateurs, développaient des petits logiciels ou donnaient leur avis sur le renouvellement du parc ont été classées au rayon obsolète.

Phase 2: les exploitants, c'est-à-dire ceux qui faisaient tourner les programmes et supervisaient leur exécution, ont suivi le même chemin.

Phase 3: la sous-traitance a commencé à toucher des postes de management, tels que chef de projet, maitrise d'ouvrage, voire ceux d'un plus haut niveau conceptuel comme la direction informatique.

Tous ces gens ont tout d'abord été remplacés par d'autres personnes, basées dans les locaux de l'entreprise mère, mais salariés et embauchés par l'entreprise sous-traitante.

Ils travaillent "en régie" selon le terme consacré, en faisant peu ou prou le même travail que les employés qu'ils remplacent.

Cette tendance a considérablement élargi le champ d'action des SSII, qui ont remplacé de plus en plus complètement des services informatiques réduits à la portion congrue. Ces entreprises se sont mises à proposer des contrats d'infogérance clés en main et de prise en charge totale de l'informatique de leurs clients.

Le recours à ces sous-traitants, déjà fournisseurs de logiciels pour les entreprises, permet désormais au client de gérer ses creux d'activité, récurrents dans le domaine, et de déléguer la gestion de certaines problématiques, comme la course à la technologie.

Deuxième exemple de secteur complètement restructuré par la sous-traitance, celui du gardiennage.

La plupart des grands sites, cibles récurrentes de vols, d'espionnage ou de malveillances (notamment en ce qui concerne le matériel) ont sous-traité leur surveillance à des entreprises du florissant secteur de la sécurité.

Ces dernières leur fournissent vigiles, modes opératoires et expertise. Nombre d'entre elles ont été fondées par d'anciens gendarmes ou policiers, et les hommes de Securitas se sont taillés la part du lion.

Troisième exemple de sous-traitance très développée, la paye. Cette activité cyclique et spécialisée est de plus en plus souvent laissé à la main d'entreprises spécialisées.

Dernier exemple enfin, la fonction RH. Les cabinets de recrutement ou des entreprises spécialisées sont désormais très régulièrement sollicités dans le cas de campagnes de recrutement ou pour monter un plan social.

Nouvelles technologies

L'explosion d'Internet et le boom fantastique des télécoms ont donné un nouvel élan à la sous-traitance, à la fois au niveau national et au niveau international.

A la base il y a le fait qu'il est aujourd'hui possible de téléphoner, de s'envoyer des fichiers voire de travailler sur un poste distant pour un coût très bas et avec une vraie qualité, que ce soit en termes de temps d'accès ou de volumes traités.

Cette révolution des télécoms a donc fort logiquement entrainé l'apparition d'un nouveau type de sous-traitance, où les deux parties collaborent à distance et peuvent se trouver à des kilomètres l'un de l'autre.

Deux exemples emblématiques.

Les secrétariats virtuels: une entreprise, parfois une simple personne, gère les rendez-vous, la "paperasse" et l'accueil téléphonique pour le compte d'un ou plusieurs entrepreneurs ou professions libérales (par exemple des cabinets médicaux).

Les centres d'appel: pour réduire ses coûts de communication, un employeur regroupe sur un même espace des gens en charge du traitement de toutes les communications pour toutes ses entités. On a vu ce concept se généraliser pour les banques ou les mutuelles par exemple. Les centres d'appel sont souvent gérés par un sous-traitant spécialisé.

Enfin, une nouvelle révolution technologique est en cours dans le secteur informatique: le Cloud computing, c'est-à-dire l'externalisation du stockage et de l'hébergement informatiques: l'entreprise n'a plus de serveur physique, mais paye l'hébergement de ses données et programmes à un sous-traitant.

Mondialisation et sous-traitance à l'étranger

Depuis que le business existe, quand deux magasins similaires s'installent dans une même rue, le meilleur finit par pousser le moins bon à la faillite (la notion de meilleur étant subjective).

Sur la longue durée, il s'est passé la même chose à l'échelle des régions, puis des pays.

L'intégration économique de régions de plus en plus vastes, permise par la baisse des coûts et la sécurisation des transports, a entraîné une mise en concurrence plus importante d'acteurs plus éloignés.

C'est ce phénomène qui est à l'origine des délocalisations, qui ont commencé par toucher l'industrie. Et ce mouvement très ancien s'est encore accéléré avec la fin des régimes communistes et l'ouverture de la plupart des pays à économie planifiée.

Mais les exemples d'usines emblématiques fermant en France pour rouvrir en Asie ou en Europe de l'est cachent le fait que ce phénomène s'est produit de manière encore plus marquée pour leurs sous-traitants.

En effet, quand Renault prend un sous-traitant chinois à la place d'un sous-traitant de Montpellier, celui-ci risque de fermer, en toute discrétion. Idem pour tout un tas d'acteurs essentiels qui travaillent en amont d'un fournisseur.

La conjonction de cette ouverture et des nouvelles technologies a permis d'élargir cette tendance au monde des services.

En effet, il est désormais simple de mettre en contact des entreprises tertiaires du monde occidental avec des sous-traitants au coût imbattable, notamment dans des pays où la formation est bonne et la main-d’œuvre à bas prix.

On ainsi vu une bonne partie des entreprises de services suivre le chemin de l'industrie et quitter les pays développés pour l'extérieur.

Au premier rang de ce mouvement on retrouve la téléphonie. Les centres d'appel sont ainsi massivement partis, en Inde pour le monde anglo-saxon, en Afrique pour le monde francophone.

L'informatique a bien sûr été également touchée, avec le début de la sous-traitance des développements à l'étranger.

Dans ce domaine, c'est l'Inde qui a pris le leadership, à la fois à cause de la langue anglaise et de son niveau de formation.

Mais le Maghreb ou l'Europe de l'est ont également trouvé leur place, leurs ingénieurs bien formés, accessibles en quelques heures d'avion et aux bas salaires étant très attractifs.

Peu à peu, d'autres fonctions administratives ont également été concernées: comptables polonais, gestionnaires de paie slovaques, etc. la liste est longue de toutes les fonctions que l'on a sous-traitées à l'étranger.

Dans le prochain post, j'évoquerai les dérives et dangers de l'extension de cette pratique.

Suivant: La Sainte Sous-Traitance(2): Dérives

samedi 16 novembre 2013

L'industrie pornographique

Un soir d’insomnie je suis tombé sur un documentaire à la télé qui faisait le portrait, assez touchant, de l’actrice X Nina Roberts.

Cette fille expliquait sans fard sa vie, ses origines, ses problèmes, son rapport avec le X, comment elle y était arrivée et comment elle le vivait, et les livres que cette vie lui avait inspirés (ici une interview résumé).

Quelques temps auparavant j’avais vu un autre reportage intitulé Une vie classée X, réalisé par l’actrice Mireille Darc. Il consistait en une série d’interviews d’actrices pornographiques françaises plus ou moins célèbres et plus ou moins âgées.

Je me souviens notamment du témoignage très dur de Raffaela Anderson, auteur de l’autobiographique « Hard » et l’une des actrices du controversé Baise-moi, le film tiré du livre de Virginie Despentes.

Tout cela m’a amené à m'intéresser à ce genre très particulier qu’est l'industrie du cinéma pornographique, avec ses codes, la quantité phénoménale d’argent qu’il brasse, ses acteurs et surtout actrices, et les mondes troubles qu’il côtoie souvent.

Sur ce sujet, j’avais également vu dans les années 90 deux films assez marquants.

Le premier, Boogie nights, racontait la vie d'un hardeur inspirée de celle de John C. Holmes, star du porno au membre légendaire et à l’ascension aussi fulgurante que sa déchéance.

Le second, Déjà mort, faisait le portrait d’une jeune fille un peu nihiliste et décidée à faire carrière dans le X pour s'enrichir vite et sortir de son milieu.

Ces deux films dressaient un portrait plutôt dur de ce milieu et de ses coulisses.

Enfin, il y a quelques temps est sorti The Other Hollywood, un livre que je me suis empressé d'acheter.

Ce bouquin est une véritable bible pour qui s'intéresse au domaine.

Ses auteurs ont en effet réuni une somme colossale d'interviews d'hommes et de femmes travaillant ou ayant travaillé dans le X américain.

Cet ensemble de témoignages finit par dessiner une histoire du secteur depuis ses débuts jusqu'à ce qu'il est devenu aujourd'hui, c'est-à-dire un poids lourd présent à tous les niveaux de notre société.

Dans le post d'aujourd'hui, je vais m'inspirer d'un peu tout ça pour résumer l'histoire de ce genre pas comme les autres et de ceux qui l'ont fait.

Les débuts: l'aventure

Le porno existe depuis que le cinéma existe. Dès le début il y eut en effet des gens pour voir le potentiel qu'on pouvait tirer de ce nouveau media, qui remplaçait ou complétait les gravures et autres livres « qu'on lit d'une main, tandis que l'autre s'affaire ».

Dans les premiers temps, ce genre de cinéma fut l'affaire d'amateurs.

Appelés loops, les premiers films étaient des courts-métrages de mauvaise qualité (bien peu ont passé les années) tournés dans un format 35 millimètres tel que le Super 8 et projetés à la sauvette.

Les acteurs, payés en liquide et à la prestation, se recrutaient chez les hippies, les marginaux, les épicuriens poursuivant la révolution sexuelle, voire parfois, comme pour Harry Reems, parmi des acteurs de formation cherchant à se faire un peu d'argent facile en attendant une vraie carrière.

Dans ce petit milieu on trouvait aussi des gens douteux, maquereaux ou assimilés, qui faisaient tourner leurs protégées. Chuck Traynor, « protecteur » et amant des deux premières porno stars que furent Linda Lovelace et Marylin Chambers en est un bon exemple.

Très vite, devant le succès et la demande, le marché se structura. Le tournage, la diffusion et la distribution de ces films, illégaux, fut pris en main par le crime organisé, mafia en tête.

Très vite aussi, la police commença un jeu de cache-cache avec les pornographes.

La bascule: Deep Throat

1972 fut un tournant pour le cinéma porno. Cette année-là fut en effet tourné Deep Throat (en VF Gorge profonde), film historique qui est parfois considéré comme le plus rentable du monde: il coûta en effet 25.000 dollars pour en rapporter, selon les estimations, plus de 600.000.000.

Ce porno fut l'un des tout premiers à être tourné en grand format et sorti en salles, avec une certaine recherche technique et un scénario.

Il racontait, sur un ton humoristique, l'histoire d'une fille frigide qui, découvrant que son clitoris se situait au fond de sa gorge, se mettait à faire des « gorges profondes » pour connaitre enfin l'extase.

Pour qui est habitué aux codes du porno d'aujourd'hui, ce film est extrêmement étrange.

Il débute en effet par un générique long et « normal » où l'on voit l'héroïne, Linda Lovelace, rentrer chez elle en voiture tandis que les noms défilent.

Ensuite, les acteurs et actrices qui y jouent ressemblent à M. et Mme Tout le monde, avec des poils et des mensurations ordinaires et non revues au bistouri. De plus la bande son est soignée, et l'action se passe dans des décors classiques.

Le succès fut phénoménal et planétaire.

Ce n'est cependant pas grâce à ce succès que Deep Throat entra dans l'histoire, mais à cause du procès pour transport illégal de matériel obscène qui fut fait à l'acteur principal, Harry Reems.

En effet, ce procès prétexte se transforma vite en tribune politique où s'opposèrent violemment deux visions de la société américaine: traditionalistes judéo-chrétiens et moralisants contre progressistes partisans de l'émancipation individuelle, notamment par le sexe.

Et c'est ainsi qu'Harry Reems et les acteurs de ce film devinrent, à leur corps défendant, le symbole de la liberté et du progressisme.

Ils recueillirent des soutiens de la part de quantité de personnalités, notamment d'acteurs renommés tels Jack Nicholson, ainsi que des menaces et des malédictions de la part de la majorité morale.

Ce furent finalement les pro Deep Throat qui gagnèrent.

L'Age d'or

Commença alors ce qu'on a appelé l'âge d'or du porno. Dans la foulée du procès, on associa en effet le porno au progrès, à la révolution sexuelle et à la liberté, prédisant qu'il allait converger avec le cinéma traditionnel et qu'il participait à la révolution en cours.

Peu à peu légalisé dans la plupart des états et pays, devenu très à la mode, il suscita la création de nombreux longs métrages, dont certains sont aujourd'hui considérés comme des « classiques » (par exemple Devil in miss Jones ou Behind the green door) et furent tournés avec de vrais moyens et des prétentions artistiques, employant pour partie des acteurs de formation.

Les héros de Deep Throat furent surmédiatisés, les cinémas se remplirent de films érotiques plus ou moins hard.

Les premières « stars » du genre naquirent au public: après Linda Lovelace ou Marylin Chambers vinrent Ron Jeremy, John C. Holmes, etc. Ils touchaient énormément d'argent et leur profession semblait se normaliser.

Cette évolution déborda le strict milieu du sexe filmé. Dans cette décennie le sexe était en effet partout. Chaque mois amenait son actrice nue, les programmes télé, la publicité, les médias, tout était sur sexualisé.

Années 80 : la gueule de bois

La deuxième moitié des années 80 vit un brusque retour de bâton, qui fut la conjonction de plusieurs facteurs.

Tout d'abord, il y eut l'arrivée du SIDA. Fort logiquement, cette maladie incurable frappa tout particulièrement les acteurs X, dont le métier consistait précisément à avoir des relations sexuelles non protégées avec des partenaires multiples.

L'épidémie qui toucha le secteur fut amplifiée par la fréquence de l'usage des drogues dans ce milieu épicurien et à la recherche de la performance.

Ensuite l'arrivée de Ronald Reagan à la présidence des US coïncida avec un retour en force de la majorité morale. La parenthèse libertaire commença alors à se clore, la pornographie retrouva son odeur de soufre et retourna à son ghetto.

Enfin, le troisième facteur fut une avancée technologique majeure: la cassette vidéo.

Ce nouveau média permit tout d'abord d'élargir considérablement les circuits de diffusion du cinéma X (plus besoin de raser les murs pour aller dans un cinéma spécialisé ou dans un sex shop).

Mais la principale révolution tient à la réduction des coûts de tournage qu'elle entraina. Il était désormais bien plus simple de tourner directement pour la vidéo, de rentabiliser le matériel en remontant les mêmes scènes dans différents films, de s'affranchir des studios.

Les films se multiplièrent et forcément cette quantité se fit au détriment de la qualité. Je ne parle pas ici du contenu mais des conditions de tournage, des salaires, des moyens mis en œuvre, de la formation des cinéastes.

Le stakhanovisme cheap devint désormais la règle, au détriment des longs métrages de l'âge d'or, sans d'ailleurs que le public trouve vraiment à y redire (le porno étant quand même essentiellement un support masturbatoire).

C'est à ce moment que le cinéma porno commença à s'industrialiser, quittant son image de franc-tireur pour se transformer en la grosse machine que l'on connait aujourd'hui, avec un turn over de stars interchangeables à durée de vie courte, une rationalisation des médias, des événements mis en place (AV Awards, Hots d'or...).

Internet

Le dernier coup au modèle traditionnel fut porté par internet.

Le réseau des réseaux offre en effet des possibilités de diffusion quasi infinies: on n'a même plus besoin de sortir louer une cassette pour consommer, quelques clics suffisent.

Et c'est la même chose pour filmer. Les coûts sont désormais encore plus bas, d'autant que l'on peut délocaliser.

A cet égard, la fin de l'Europe communiste a représenté une formidable opportunité pour le porno, fournissant des centaines d'actrices qui se sont ruées sur le X pour fuir la misère, parfois « aidées » par des intermédiaires peu scrupuleux.

Plus récemment, l'Afrique commence également à arriver sur le marché, même si le sous-développement en infrastructures réduit les possibilités dans le domaine.

La nature du porno a également changé.

La sexualité présentée dans ces films ne l'est pas dans le cadre d'un scénario et ne se soucie guère de réalisme. A contrario, on a l'impression qu'en compensation il y a une surenchère dans les pratiques filmées: éjaculations faciales, double pénétration, fist fucking sont quasiment devenues la règle.

Au bout de cette évolution, il y a le style appelé gonzo qui représente désormais la majorité des tournages.

Cru, rejetant l'esthétique et les scénarios, basé sur une domination avilissante de la femme par l'homme, tourné à moindre coût, il est aux antipodes des longs métrages à l'image léchée des années 70 - 80.

On assiste par ailleurs à une segmentation du secteur par style. On dit que désormais que chaque sexualité a son porno, y compris les pratiques extrêmes, voire interdites.

Enfin, la chirurgie et la chimie (Viagra) transforment les acteurs en créatures irréelles de plus en plus loin de la réalité.

Carrières difficiles

La conséquence de tous ces changements est qu'aujourd'hui faire une carrière dans le porno est plus dur qu'avant.

Courte par essence (surtout pour les femmes) puisque l'argument numéro 1 est le corps, la vie professionnelle d'un acteur/d'une actrice porno requiert désormais d'accepter plus de choses.

D'après les professionnels d'un certain âge, refuser certaines scènes est en effet devenu plus difficile, à la fois du fait de la concurrence exacerbée, notamment en provenance de pays pauvres, pour des raisons financières et à cause des goûts du public qui auraient changé.

Un autre aspect qui persiste, c'est qu'il reste toujours très dur de sortir de ce milieu.

Paradoxalement en effet, alors que la consommation de X s'est démocratisée et qu'elle est de plus en plus assumée par les gens, un acteur ou surtout une actrice restera quand même stigmatisé, condamné moralement pour ce qu'il a fait.

Et toujours renvoyé à ce choix initial, il n'aura d'autre choix que d'y revenir encore et encore.

Dans le reportage de Mireille Darc l'actrice Estelle Desanges décrit le scénario type de la carrière du X en ces termes.

Une actrice au top s'en va la tête haute après avoir gagné beaucoup d'argent.

Après quelques temps, se rendant compte que la reconversion est toujours dure voire impossible, et le besoin d'argent se faisant sentir, elle tente un comeback. Mais étant moins connue, elle gagne moins et doit se contenter de rôles de moindre envergure.

Puis elle vieillit et pour vivre, elle finit par peu à peu accepter les tournages qu'elle refusait. On la retrouve dans des films de plus en plus glauques et sordides (urologie, etc.).

Une autre illustration est le cas d'Harry Reems, rendu célèbre par Deep Throat et qui n'arriva jamais à faire des films normaux après ça, et ce malgré sa formation d'acteur initiale.

Peu avant sa mort, il racontait que tous les soutiens célèbres qui avaient posé avec lui pendant le procès ne l'avaient jamais recontacté et qu'il avait perdu un rôle dans le film Grease à cause de sa carrière X.

Tentant plusieurs fois de quitter ce milieu, il expliquait avoir toujours du y revenir afin de gagner sa vie.

Après la gloire, il devint alcoolique, SDF et serait mort sans l'intervention d'une personne providentielle.

Très amer, il avait décidé de faire payer quiconque demanderait à lui parler de Deep Throat, pour lequel il n'avait touché que des sommes dérisoires.

Par ailleurs, le stigmate ex-acteur X est exacerbé grâce au net, dont la fantastique capacité à archiver et recycler rend accessibles à tout le monde les images tournées des années plus tôt et sur lesquelles on peut avoir souhaité tourner la page.

Ces dernières années ont ainsi vu remonter les preuves des débuts ou écarts insoupçonnés de quantité de personnes connues passées par la case porno ou érotique.

Dernier point, les acteurs X sont aujourd'hui bien plus exposés. Notre époque de connexion permanente et de paparazzi est aux antipodes des années 70, quand John Holmes pouvait cacher ses activités à sa femme.

Acteurs et actrices racontent aussi que les fans sont devenus bien plus envahissants.

Désormais bien loin de l'image du coincé solitaire vénérant les images de son actrice préférée du fond de sa chambre glauque, ils les interpellent sans gêne sur les salons, les traitant parfois avec un mépris agressif et irrespectueux.

En France

L'histoire du porno en France suit grosso modo la même chronologie, que l'on peut doubler avec un cinéma érotique rendu célèbre dans le monde entier par le film Emmanuelle, dont l'intrigue jouait sur l'image d'érotisme chic et sophistiqué de l'Hexagone (et qui fut diffusé plus de dix ans dans un cinéma des Champs Élysées !).

Le porno français connut lui aussi son âge d'or avec floraison de films dans les salles avant que le président Giscard d'Estaing ne siffle la fin de la récréation en créant en 1975 le classement X.

Jusqu'aux années 80 furent tournés des classiques à prétention plus ou moins artistiques, parfois par des cinéastes venus sur le tard ou passant ponctuellement dans le domaine (José Benazeraf, Max Pécas, Jean Rollin, Francis Leroi...).

Deux personnages émergent de ces années.

Marc Dorcel a fondé un empire du X made in France qui continue à marcher, revendiquant une certaine qualité.

Et il y a Brigitte Lahaie, ex-star du genre dans les années 80 et icône incontournable lorsqu'on parle du X français. Cette ancienne actrice est devenue un personnage médiatique à l'image plutôt sympathique.

Une interview de l'ex-hardeur Richard Allan (reconverti depuis dans le chocolat!) donne un aperçu intéressant du porno en France, de sa naissance et de son évolution.

Conclusion

Aujourd'hui le porno est omniprésent, parfois envahissant. Il est devenu un véritable phénomène de société, accessible pour de plus en plus de monde.

Les acteurs et actrices ont rejoint le monde des peoples et les plateaux de télévision, chaque film à succès, voire chaque faits divers (comme l'affaire DSK) a droit sa version X, etc.

Les jeunes grandissent et découvrent la sexualité avec le X et connaissent très tôt des choses que les générations précédentes n'imaginaient parfois même pas.

Certaines personnes accusent d'ailleurs ce genre d'être normatif (tel psychologue pour ados canadien dit que ses patientes l'interrogent sur comment faire une fellation, alors que la génération précédente voulait savoir comment embrasser!) et de projeter une image déformée des rapports amoureux, source de frustrations et d'incompréhension.

Personnellement, je suis surtout sceptique devant ce grand déballage, qui fait un peu trop souvent penser à un étal de boucherie.

Où est la surprise, le fantasme? Il me semble que c'est de la dissimulation et de l'interdit que viennent le désir, mais c'est peut-être une réflexion de quelqu'un de la génération du catalogue de la Redoute...