vendredi 4 octobre 2013

Les peuples des zones frontières (6) - Europe: peuples turco-mongols

L’Europe peut être vue comme un finistère du continent asiatique, région d’où surgirent périodiquement des vagues de conquérants dont l'expansion irrésistible reste dans les mémoires.

Certains de ces envahisseurs s’installèrent durablement et/ou se fondirent dans les populations locales, d’autres retournèrent chez eux après avoir razzié et/ou été repoussés.

Une grande partie de ces peuples appartient à la famille des Turco-Mongols. Ils ont laissé dans notre continent des constructions étatiques, des souvenirs durables, et parfois des minorités ou des enfants.

Le post d’aujourd’hui sera consacré à la partie de ces descendants qui s'est insérée dans les zones frontières européennes.

Comme d'habitude, je n’aurai pas la prétention d’être exhaustif et je me cantonnerai à certaines vagues plus notables que d’autres.

J'ai notamment choisi de laisser de côté les Avars et autre Huns, toutes ces vagues anciennes qui ont rejoint Gaulois et Daces au panthéon des peuples mythiques (même si parfois les nations modernes s'en réclament).

L'invasion clé est celle des hommes de Genghis Khan. Celui-ci réussit à fédérer l'ensemble des tribus qui sillonnaient la Mongolie, et en fit une armée qu'il lança à l'assaut du monde.

Les guerriers mongols étaient d'incroyables cavaliers qui faisaient corps avec leurs montures et qui étaient capables de tirer à l'arc en plein galop avec une précision inégalée.

Ils se déplaçaient avec plusieurs chevaux, ce qui leur permettait de franchir des distances impressionnantes.

Dotés d'une extrême endurance, ils avaient aussi de la guerre une approche pragmatique et en avance sur l'époque.

Ils se documentaient avant d'attaquer, utilisaient des prisonniers comme boucliers humains, jouaient des alliances.

Ils feraient même partie des pionniers de la guerre biologique si l'on en croit l'anecdote suivante: lors du siège d'un comptoir génois de Crimée, ils auraient remporté la victoire en catapultant des cadavres de pestiférés dans la ville, y générant une infection fatale...

En cas de victoire ils étaient impitoyables, rasant et exterminant des villes entières.

De fait, leur avancée fut fulgurante et rien ne semblait pouvoir les arrêter. Et les guerriers mongols étaient en train de s'attaquer à l'Europe lorsque leur dirigeant mourut.

A l'annonce de cette mort, la vague s'arrêta net et les chefs retournèrent en Mongolie pour élire un nouveau dirigeant, laissant l'est de notre continent exsangue et ravagé, mais ne devant plus jamais y revenir.

Comme à chaque décès de chef, une période instable s'instaura.

En effet, l'absence chez les peuples turco-mongols d'une règle de succession aussi claire que la primogéniture occidentale entrainait systématiquement une compétition entre plusieurs prétendants, qui durait jusqu'à l'élection de l'un d'eux, souvent suite au massacre de ses adversaires.

Ce système s'est retrouvé chez tous les empires qu'ils fondirent et en constitue l'un des talons d'Achille.

L'empire mongol, dont l'étendue maximale couvrait une superficie jamais égalée, s'écroula au bout de quatre générations, pour se diviser en plusieurs entités, les khanats.

Celui qui nous intéresse est dit "khanat de la Horde d'or". Ses habitants sont nommés Tatars (ou Tartares en français).

Il s'étendait sur une large région incluant la Russie historique, une partie du Caucase et s'étirant loin en Asie.

Ses dirigeants s'étaient convertis à l'islam, qu'ils ne tentèrent guère d'imposer aux peuples qu'ils avaient soumis (d'une manière générale, les pouvoirs turco-mongols ont agi de cette façon) et avec lesquels ils se mélangèrent parfois.

Une lente contre-offensive européenne changea peu à peu la donne et rogna leur territoire.

Les Russes notamment finirent par dominer leurs anciens envahisseurs, dont on retrouve aujourd'hui les descendants dans l'actuelle république russe du Tatarstan, mais aussi dans le Caucase et en Roumanie.

Dans ce dernier pays vit une communauté tatare, regroupée autour du port de Constanta et reconnue par l'état. Ce reliquat de la conquête de Gengis Khan est toutefois plus une minorité qu'un peuple de zone frontière à proprement parler.

La Horde d'or donna en revanche la communauté des Karaïtes, qui en forment une branche originale.

Les Karaïtes

Lorsque la Lituanie, alors grande puissance, vainquit les héritiers de Gengis Khan, des tatars furent déportés de la Crimée vers les terres baltes, où ils s'installèrent aux alentours de la ville de Trakai.

Parmi eux, il y avait des Karaïtes, sous-groupe pratiquant une forme particulière de judaïsme, dont le statut de communauté religieuse originale fut reconnu, ainsi que leur langue.

La présence d'ennemis puissants aux frontières du royaume lituanien (toujours les Tatars, et de plus en plus les chevaliers teutoniques) permit aux Karaïtes d'acquérir un statut particulier, avec des droits spécifiques en échange d'une intégration au système militaire du pays.

L'expansion russe mit fin à leur particularisme, mais des descendants de cette communauté se trouvent toujours dans la région de Trakai.

Les Gagaouzes

La république de Moldavie comprend également un petit peuple turcophone: les Gagaouzes.

Il se compose des descendants de tribus turques pré-islamiques christianisées et engagées comme mercenaires par l'empire byzantin.

Initialement basés en Bulgarie devenue ottomane, ils furent échangés au XIXième siècle par les nouveaux maitres russes de la Moldavie contre les habitants musulmans de cette région.

Et lorsque dans les années 90 la RSS moldave sortit de l'Union soviétique et que russophones et roumanophones s'y affrontèrent pour décider du futur du pays, les Gagaouzes firent eux aussi entendre leur voix, réclamant reconnaissance et autonomie, allant jusqu'à la fondation d'une "république gagaouze" devenue depuis une région autonome.

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