lundi 30 septembre 2013

Scènes de métro (8): bureau, salle de bain, salon et cabine téléphonique

Le métro n'est pas qu'un moyen de transport. Pour certaines personnes, c'est carrément un lieu de vie, et on a l'impression que paradoxalement, le fait d'être entouré d'une foule transforme leur coin de wagon en un espace intime.

Je zapperai sciemment ceux qui travaillent, que ce soit avec papier, ordinateur ou téléphone, prolongeant leur bureau dans leur wagon.En effet, ils agissent bien souvent sous la contrainte.

En revanche, je pense notamment à toutes celles pour qui le métro devient une annexe de salle de bain.

Je suis toujours fasciné par ces femmes qui se maquillent consciencieusement à la vue de tout le monde, alors que je suis convaincu qu'au travail ou dans leur cadre familial ce rituel se fait dans l'intimité.

Ce n'est pas que ce soit indécent bien sur, ça me semble juste curieux.

J'ai même voyagé à côté d'une fille en train de se manucurer. Impeccablement vêtue, elle s'affairait avec ses petits ustensiles, jetant tranquillement bouts d'ongle taillés et peaux mortes dans l'allée centrale...

Plus nombreux encore sont les gens qui subissent "l'effet portable". C'est-à-dire que le fait de téléphoner les projette dans une bulle qui exclue tout leur voisinage, lequel profite pourtant des conversations, de gré ou de force.

J'ai ainsi entendu pèle-mêle des excuses à plat ventre, des négociations sur "ce que tu sais" entre personnages louches, des engueulades de mères courroucées, des compte rendus de visites familiales, une séance de remonte moral sur fond de "Dieu est avec toi" ou encore des debriefings de la rentrée du petit dernier.

Ça peut être particulièrement insupportable, surtout quand c'est accompagné d'une voix qui porte.

Le téléphone exacerbe ce comportement parce que très souvent les gens montent d'un octave et se concentrent, mais on peut également subir des conversations entre personnes IRL, notamment lorsqu'on se retrouve coincé au milieu d'un groupe.

Pour peu qu'on se laisse aller et qu'on refuse de lutter pour ne pas entendre, ça peut d'ailleurs être agréable et/ou intéressant pour faire passer un trajet trop long.

Voici quelques-unes des conversations qui m'ont marqué.

- Un groupe de filles-à-maman maghrébines tirées à quatre épingles, surlookées et maquillées parlaient de leur vie, du studio donné par Papa suite à la dernière crise de nerf, des frasques d'un(e)tel(le), etc. Et du dernier voyage au bled.

Le portrait qu'elles faisaient d'un village qu'elles avaient visité était marrante. On sentait qu'elles oscillaient entre un mépris citadino-bourgeois, voire français, et un espèce de respect obligé pour le pays d'origine.

Je me souviens qu'elles décrivaient les pieds nus des femmes et les pétards que fumaient les hommes, tellement forts que la simple odeur faisait planer...

- Dans le RER, j'ai également assisté à une revue de famille de la part d'une mère qui, après avoir parlé des uns et des autres, a commencé à s'appesantir sur l'ingratitude et l'égoïsme de sa fille, la démolissant méthodiquement, tout en gardant un sourire confondant.

- Plusieurs fois j'ai aussi eu droit aux plaintes de personnes que les obligations familiales forçaient à héberger qui un neveu, qui une cousine qui finissait par s'incruster et dont il devenait impossible de se débarrasser.

- Plus récemment, enfin, c'est un groupe de lycéennes africaines que j'ai eu comme bande son de mon trajet du soir. Elles parlaient de la mort d'un oncle et leur conversation dériva vite sur les obligations des unes et des autres (garder les plus petits par exemple) avec un intéressant passage sur les croyances.

Elles étaient notamment unanimes sur le fait que réciter la chahada avant de mourir garantissait automatiquement une place au paradis, et l'une d'elle a même conclu en disant que malheureusement on n'y pensait généralement pas quand on était en train de mourir (!).

Bref, quelques fois le métro peut remplacer une émission de télé ou de radio. Il est juste dommage qu'on ne choisisse pas le programme...

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