mardi 27 août 2013

Scopitone

Parmi les innombrables rétrospectives des années 60 que je regardais avec mes parents dans ma jeunesse, il y avait souvent l'équivalent de ce qui deviendrait des clips, c'est-à-dire de petits films vaguement scénarisés qui accompagnaient une chanson.

Certains d'entre eux étaient en couleur, ce qui finit par m'interpeler. En effet, à l'époque, la télévision était en noir et blanc, et je sais qu'au cinéma on ne passait pas ce genre de choses. D'où sortaient-ils et à quoi correspondaient-ils donc?

La réponse à cette question tient en un mot: le scopitone.

Ce nom barbare désigne un appareil que l'on trouvait dans les bars des années 60 et qui, lorsqu'on y insérait un franc après avoir sélectionné un titre, accompagnait la chanson diffusée d'un petit film en couleur projeté sur un écran dédié (démo ICI).

(A titre de comparaison, pour le même prix on pouvait avoir une dizaine de chansons sur un jukebox classique).

Ce procédé fut inventé par les Américains, mais c'est une entreprise française, CAMECA, qui en lança l'industrialisation et domina les marchés américains et européen (à l'exception de l'Italie, qui avait sa propre technologie).

Deux modèles de scopitone furent successivement mis en vente, le premier avec un écran de 54 cm, le suivant avec un écran de 65cm.

Tous deux contenaient 36 petits films de 2 ou 3 minutes, qu'un mécanisme similaire à celui des jukebox sélectionnait en fonction du choix du client, puis déplaçait, lisait et rembobinait avant de le remettre en place.

Ces films étaient exclusivement proposés aux cafetiers, qui pouvaient renouveler leur stock en fonction du hit-parade du moment. Ils étaient tournés au format 16 millimètres et la longueur de la bande ne devait pas dépasser cinquante mètres.

Malgré ces contraintes, des centaines de films pour scopitone furent tournés, et toutes les vedettes de l'époque, firent l'exercice, qu'elles soient yéyé ou non (il y eut aussi Brel et Nougaro, par exemple, ainsi que des comiques comme Fernand Raynaud ou Guy Bedos).

Certains réalisateurs plus tard connus, tel Claude Lelouch, se firent la main en tournant des scopitones, la prêtresse de ce style de cinéma étant toutefois Andrée Davis-Boyer, dite Mamy Scopitone, qui chapeauta la réalisation d'un nombre inégalé de ces proto clips.

On les tournait un peu à l'arrache, avec une large part d'improvisation, des figurants recrutés sur le moment et des décors approximatifs, le tout se terminant en une poignée d'heures. Pour garantir une bonne qualité d'écoute, ce tournage était fait en playback, le son étant ultérieurement ajouté à partir du 45T.

Poule aux oeufs d'or au début des années 60, le marché du scopitone finit par saturer, et l'aventure s'arrêta en 1974, ces étranges jukebox disparaissant peu à peu du paysage.

Ils réapparurent vingt ans plus tard, quand les années 60 devinrent à la mode et que la télévision, qui désormais diffusait elle aussi en couleur, se mit à montrer aux petits jeunes dans mon genre la musique et les films qui faisaient jadis swinguer leurs parents, pour peu qu'ils aient un franc à perdre dans un bar branché...

Quelques exemples de scopitones:

- Antoine: Les élucubrations
- Gilbert Bécaud: Nathalie
 - Les chats sauvages: Est-ce que tu le sais?
- Joe Dassin: Les Daltons
- Nino Ferrer: Le Téléfon
- Serge Gainsbourg et Brigitte Bardot: Comic Strip
- France Gall: Laisse tomber les filles
- Johnny Hallyday: Génération perdue
- Guy Marchand: La Passionata
- Henri Salvador: Juanita Banana et Zorro est arrivé

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