lundi 19 décembre 2011

Droit de vote des étrangers

Aujourd'hui je vais m'attaquer au sujet éminemment politique (et donc un peu casse-gueule) du droit de vote des étrangers, non pas pour donner mon opinion (qui d'ailleurs n'est pas franchement arrêtée), mais pour montrer ce qui se joue derrière çà.

Tout d'abord, je crois qu'il est important de noter que ce sujet, comme le cumul des mandats, ou les droits des homosexuels (mariage, adoption...) est une vieille lune qui ressort régulièrement, singulièrement dans des moments comme celui que nous vivons, c'est-à-dire une veille d'élection présidentielle.

Sont convoqués les postures morales, l'humanisme, l'équité, la reconnaissance, etc...bref un tas de sentiments tous plus nobles les uns que les autres.

Schématiquement, on peut dire que la droite est contre et la gauche est pour, même si au sein des deux groupes on peut trouver des gens qui sont à contre-courant. Pourquoi donc?

Et bien si l'on étudie un peu l'histoire du vote, on se rend compte que ces dernières années la gauche, pour des raisons sur lesquelles je ne vais pas m'étendre, a perdu une très grande partie de l'électorat populaire français. Cet électorat, traditionnellement gaulliste ou communiste, a tendance à déserter un PS qui l'a déçu.

Une partie est abstentionniste, une autre papillonne, et une grande partie est allée vers le FN, dont la culture "virile", les messages simplistes et le côté communautaire rejoint un peu celle du défunt PCF.

Or, c'est le vote de cet électorat qui avait permis à la gauche, dans le cadre du Programme commun de 1981, d'accéder à l'Élysée pour la seule et unique fois dans l'histoire de la Vième République. La question est donc "Par quoi remplacer ces ouvriers et classes laborieuses?".

Si l'on fait un peu de sociologie et de sondages, on s'aperçoit que la majorité (on parle de 80%) des français d'origine extra-européenne vote PS.

Si l'on veut aller plus loin, on peut comparer avec un de nos voisins qui a franchi le pas et fait voter les étrangers extra-communautaires depuis 2004, la Belgique.

Là-bas, le vote est obligatoire et l'on a constaté que les étrangers extra-communautaires votent massivement pour le PS (80% également), lui permettant de se maintenir dans plusieurs communes ou arrondissements qu'il aurait perdu sans ce vote.

On a également constaté que chaque communauté votait prioritairement pour un candidat de la même origine (les Turcs pour un Turc, les Marocains pour un Marocain, etc.), ce qui a poussé le PS a multiplier les candidats ethniques.

Au vu de ces faits, il me parait impossible que le retour du débat sur le devant de la scène ne soit pas plus sous-tendu par un froid calcul électoraliste que par le désir "d'associer pleinement les étrangers à la citoyenneté etc, etc."

Je pense même que certains cyniques se disent que ça ne passera pas mais que ce qui compte c'est que ça permet d'envoyer un signal aux communautés pour l'élection présidentielle.

Qu'on me comprenne bien, je ne dis pas que ce genre de calcul sordide est l'apanage de la gauche, la droite cajole elle aussi bien des lobbies, parfois les mêmes (rappelons-nous le fameux "préfet d'origine musulmane" désigné en grande pompe au début du quinquennat actuel), je veux juste souligner ce qu'il y a de cynique dans la méthode.

Toutefois, cet opportunisme est partagé par les électeurs courtisés.

En effet, rappelons-nous bien que si 80% des français d'origine tunisienne votent PS en France, 50% de ces mêmes français d'origine tunisienne ont voté pour le parti islamiste aux élections de la constituante tunisienne.

Traduction: en Tunisie ils votent pour un parti dont les positions sur la religion, la femme ou l'homosexualité sont plus proches de celle de Philippe De Villiers (peut-être même encore plus à droite) que de celles du parti pour lequel ils votent en France, celui de la parité ou du PACS.

En attendant, vive la République, pas vrai?

dimanche 18 décembre 2011

Le Français qui aime la Roumanie

Dans ce post je vais parler d'une espèce de gens qui me met mal à l'aise, dont j'ai rencontré pas mal de spécimens: "Le Français qui aime la Roumanie".

Je pense que cette espèce n'est pas très différente de celle du "Français qui aime le Burkina Faso", du "Français qui aime la Serbie", du "Français qui aime le Mexique" voire du "Français qui aime la Chine".

Le Français qui aime la Roumanie est généralement issu d'un milieu favorisé, s'est beaucoup baladé dans le monde (fuyant toutefois avec horreur les usines à touristes), il jouit de revenus confortables et d'une éducation d'un niveau plutôt élevé.

Les raisons qui l'ont fait aller en Roumanie sont variées, mais c'est souvent en rapport avec l'humanitaire, la recherche d'un tourisme alternatif ou celle du frisson d'une destination inédite dans un pays qui fait encore un peu peur, mais pas trop.

Il décrit sa "rencontre avec la Roumanie" comme un coup de foudre. Il a tout de suite accroché à l'exotisme de cette "terre de contrastes", à la fois si proche et si différente de chez nous, au sens de l'accueil de ses habitants, souvent francophones et francophiles, et tellement authentiques malgré la misère (ou plutôt grâce à elle).

Le Français qui aime la Roumanie aime en effet la Roumanie telle qu'elle est, dans cette misère. Il a même peur que l'occident ne rattrape ce pays, et que les maisons retapées, les immeubles de standing, les égouts, les autoroutes asphaltées et les supermarchés détruisent ce pays comme ils ont détruit le nôtre.

Cela n'empêche pas le Français qui aime la Roumanie de se penser impartial face à ce pays, notamment quand il est question des gitans et du racisme auquel ils sont en butte ou aux responsabilités roumaines dans la Shoah.

Il estime que son ou ses voyage(s) sur place lui donne(nt) une connaissance approfondie du pays, le droit de parler au nom de ses habitants, d'expliquer les causes et effets de ce qu'il a vu, de connaitre les limites de ce peuple et d'expliquer (avec une certaine fierté) qu'il l'aime malgré ça.

Au fond que trouve-t-il là-bas, ce Français qui aime la Roumanie? La chaleur des gens, réelle (quoiqu'en voie de disparition), lui donne le beau rôle, même si cette chaleur est souvent bien mal comprise. Le Français qui aime la Roumanie ne voit en effet pas que c'est une forme de politesse et que c'est souvent intéressé.

Le côté bric-à-brac des vies des gens qu'il croise lui donne le sentiment d'une existence plus simple, plus portée à l'essentiel que la nôtre qui lui semble tourner à vide (ce qui est bien sur idiot, car la survie n'a rien de bandant, et la majeure partie de ces gens ne rêve que d'être à sa place).

Cette chaleur peut également lui donner l'illusion d'une vraie rencontre, même s'il se ment à lui-même car bien peu de Français qui aiment la Roumanie sont prêts à une vraie rencontre et à ouvrir leur porte de la même façon à un Roumain venu en France.

Il y a aussi le côté gratifiant d'avoir "sa" propre destination, un endroit où vont peu de gens et qui du coup singularise, rend intéressant, donne un côté "original".

Ces gens me mettent mal à l'aise pour différentes raisons.

La première c'est bien sur parce que moi aussi j'ai commencé par tomber dans certains de ces travers: tout le monde est beau et gentil là-bas, moi je connais un pays inédit et pas commercial, etc... Je me suis rendu compte de ça en me rappelant de mes premiers voyages.

La seconde c'est parce que cette attitude cache en fait un complexe de supériorité. Folkloriser les gens, parler en leur nom, simplifier à grands traits des situations aussi complexes que les nôtres, c'est au fond assez méprisant.

Pour avoir beaucoup fréquenté les Roumains (et j’imagine que ce que je dis est vrai pour tous les étrangers de pays ou régions plus pauvres), je sais qu'ils ont un peu honte de tout ce que le Français qui aime la Roumanie met en avant, qu'ils veulent que leur pays arrive au niveau du nôtre, et que tout ce qu'ils souhaitent c'est d'être traités comme des égaux, comme un homme et pas comme un "brave Roumain".

Ceci dit, ce point est surtout vrai pour les Roumains ayant connu Ceausescu et les années 90. En effet, les jeunes sont désormais différents, ils s'assument mieux et n'ont plus de complexe, ils se sentent des européens, des Roumains de la même façon que l'on peut se sentir des Français ou des Italiens, et c'est tant mieux.

Enfin, la dernière raison c'est que je vois aussi dans les yeux des Roumains ce qu'ils pensent des Français qui aiment la Roumanie et par extension des Français.

Souvent, ils nous trouvent ridicules, passéistes, prétentieux, mesquins, hypocrites...ils ne sont plus dupes de rien.

Avant la chute de leur Conducator, beaucoup de Roumains, surtout les plus âgés, avaient une belle image de la France, un peu idéalisée. Image déçue lorsqu'ils nous ont rencontrés.

Je sais aussi que les Français qui aiment la Roumanie sincèrement (sous-catégorie des premiers) et qui veulent aider la Roumanie et ses habitants "si chaleureux et naïfs" se trompent lourdement et risquent des désillusions.

Les Roumains sont en effet bien plus durs que nous, ce qui est logique vu ce qu'ils ont subi, et du coup le retour de bâton peut être douloureux. On ne peut d'ailleurs pas leur en vouloir, la situation est ce qu'elle est.

Finalement, le Français de base qui n'aime pas la Roumanie parce qu'il trouve que c'est crade, qu'il n'aime pas la bouffe et parce que l'hôtel club qu'il a payé n'est pas à la hauteur est peut-être plus sain que le Français qui aime la Roumanie, qui dit exécrer le tourisme et rechercher un "petit village authentique" pour "rencontrer des Roumains".

Le premier sait et assume le fait qu'il est dans une relation client-fournisseur, le second fait juste semblant de ne pas le savoir.

Je reste en effet, et ce sera ma conclusion, convaincu que la distinction routard/touriste est une vue de l'esprit.