dimanche 8 mai 2011

Frontières (1): introduction

Depuis longtemps l'homme a créé ou subi des frontières, dont la présence détermine et conditionne l'existence de ceux qui la côtoient, qu'ils en souffrent ou en tirent parti.

Le premier type de frontière, la frontière dite "naturelle", est un obstacle physique ou géographique qui sépare deux régions de manière plus ou moins forte, constituant parfois une limite infranchissable pendant de longues années.

La limite extrême qui vient en premier lieu à l'esprit est bien sur la mer. On pense tout de suite aux océans atlantique et pacifique, qui ont isolé si longtemps le continent américain de l'ancien monde.

Mais les déserts remplissent aussi cette fonction. Ainsi le Sahara a durablement séparé l'Afrique du nord, reliée plus tôt à l'Europe, de l'Afrique subsaharienne, isolée par cette mer de sable hostile.

Les massifs montagneux ont aussi joué ce rôle, à différents degrés selon leur taille et accessibilité.

Près de nous, Alpes et Pyrénées ont constitué une séparation naturelle entre la France et ses voisins du sud.

On peut aussi citer la Cordillère des Andes, qui coupe clairement l
'Amérique latine en deux zones, ou bien encore les massifs himalayens sur les contreforts desquels se termine le monde indien.


Le rôle de ces frontières ou de leur absence a pu être déterminant pour le destin des populations qui habitaient près d'elle.

Les histoires si particulières du Japon et de l'Angleterre auraient certainement été très différentes si, comme la Pologne ou l'Allemagne, la majeure partie de leur territoire était une plaine ouverte et non une île qui les a naturellement isolés des grands mouvement migratoires et conquérants.

De même, la présence de montagnes a été déterminante pour le Népal et le Bhoutan, qui sans cette protection auraient sans doute été avalés depuis longtemps par les géants que sont leurs voisins chinois et indien.

Un relief montagneux a également permis à la Suisse d'exister et au Liban druze et maronite ou encore au pays dogon de ne pas disparaitre malgré les vagues de conquérants.

Le revers de cette protection naturelle peut aussi être la mise à l'écart d'une zone des grands mouvements culturels et technologiques, entrainant un retard des populations piégées par ces frontières, ce retard pouvant être fatal en cas de rencontre avec une civilisation agressive et techniquement plus avancée.

Que l'on songe au choc que produisit l'arrivée des Européens au Japon au sortir d'une longue période d'isolement. Que l'on pense aussi aux aborigènes australiens, restés à un stade de chasseurs cueilleurs et démunis face aux colons anglais.

Le deuxième type de frontière, c'est la frontière politique, celle décidée par les hommes, qu'elle soit imposée par la guerre et la conquête ou qu'elle résulte d'un compromis.

Bien qu'elles prétendent généralement épouser une frontière naturelle, c'est en fait rarement le cas.
Je distinguerai trois groupes parmi ces frontières politiques.


Le premier groupe ce sont les frontières que je qualifierai (faute de mieux) d'"historiques".

Élaborées au cours du temps par des guerres, des mariages, des allégeances, des traités, des allers retours incessants entre puissances, elles sont complexes et constituent l'héritage d'une très longue histoire.

Le cas exemplaire est l'Europe, dont les frontières n'ont cessé de bouger, la dernière modification étant toute récente puisqu'il s'agit de l'indépendance du Kosovo.

On peut distinguer un sous-groupe dans ces frontières historiques. Il s'agit des nombreuses frontières intérieures qui découpent un état en des sous-entités dotés de pouvoirs propres.

On pense aux länders allemands, aux états des USA, aux cantons suisses, mais aussi aux régions ultramarines dotées par la métropole de pouvoirs plus ou moins étendus, comme le Groënland ou les îles Feroë pour le Danemark, ou encore les nombreuses îles britanniques dotées qui ont chacune un régime propre (île de Man, îles anglo-normandes, etc.).


Le deuxième groupe de frontières est issu du partage colonial du monde par l'Europe.

C'est-à-dire que ces frontières ont été tracées par des puissances extérieures à l'endroit concerné, généralement sans tenir compte des populations qui y vivaient.


Le continent américain a été le premier exemple de ce partage, avant qu'à la suite de son indépendance ses nouveaux maitres n'en redessinent la carte, rejoignant le groupe des frontières historiques que je citais précédemment.

L'Asie a également vécu ce partage, mais c'était un placage sur des entités étatiques pré existantes fortes, souvent plus anciennes même que celles des colonisateurs.

Elles ont ainsi plus facilement coïncidé avec le monde d'avant la colonisation et les indépendances ont entrainé assez peu de "corrections" (quelques exceptions significatives sont par exemple la partition de la Papouasie, du Timor et de Sumatra, ou encore les villes de Singapour et Hong Kong).

En fait, le continent le plus marqué par ce découpage a été l'Afrique, surtout l'Afrique subsaharienne.

En effet, les découpages antérieurs étaient très différents de la notion d'état telle qu'on la connait en Occident. En conséquence, les chamboulements apportés par le colonisateur ont constitué un bouleversement extrêmement important.

Les états africains post-indépendance ont généralement gardé ces frontières coloniales en héritage, en même temps que la langue de l'ex-métropole, et très peu de modifications ont été faites a posteriori, malgré de nombreuses tensions.

Il est important de distinguer l'Afrique subsaharienne de l'Afrique du nord et du Proche-Orient, plus proches de leurs colonisateurs en terme d'état ou de centralisation, et de longue date en contact avec eux (même si globalement ils ont eux aussi conservé les frontières héritées de la colonisation).

Enfin, le troisième type de frontière que je distinguerai est la frontière "idéologique".

J'entends par là une frontière séparant des états à l'idéologie antagoniste, ces états étant parfois issus de la partition d'un même pays.

Ces frontières sont un héritage de la guerre froide qui vit bloc communiste et bloc capitaliste s'affronter pendant plusieurs décennies.


On se souvient du fameux "rideau de fer" qui séparait l'Europe communiste et l'Europe dite libre, avec des zones tampon ou des enclaves comme Berlin, l'ex-capitale allemande, coupée en deux à l'image du pays.

Pendant plusieurs années, le Vietnam fut lui aussi séparé en deux entités, avec un nord communiste et un sud capitaliste, avant qu'une réunification se fasse au bénéfice des premiers.

Le Yémen fut lui aussi découpé entre un état communiste et un état capitaliste, le second intégrant le premier en 1990.

La Corée fut également divisée dans les années 50, et cette division est plus que jamais d'actualité, le nord restant un régime communiste fermé et le sud n'étant pas pressé de se réunifier.

Enfin, l'ex-Formose, devenue Taïwan, est l’héritière de la guerre civile chinoise, puisque cette île a accueilli les nationalistes lorsque les communistes de Mao ont été victorieux sur le continent. Taïwan est ensuite devenu un état -contesté- une fois que la Chine populaire a été reconnue comme la Chine légitime par l'opinion internationale.

Après ce petit tour d'horizon des différents types de frontières que l'on rencontre sur le globe, je consacrerai un prochain post à la façon dont certaines populations en tirent profit.

Suivant:  Frontières (2): sources de profit

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