jeudi 16 décembre 2010

France-Algérie, une longue histoire (2): Etat des lieux

Imaginons un étranger, quelqu'un qui débarquerait en France et voudrait étudier les relations franco-algériennes. Que noterait-il ?

Il serait d’abord impressionné par le nombre de personnes qui vivent en France et ont un lien personnel avec l’Algérie. Parmi ces personnes, on peut distinguer au moins quatre groupes.

Le premier groupe ce sont bien sur les immigrés algériens, première minorité étrangère en France, avec leurs enfants, petits-enfants et même arrière-petits-enfants, les premiers migrants étant venus en métropole dès les débuts de l’Algérie française.

Le deuxième groupe ce sont les Pieds-Noirs, descendants des colons européens installés en Algérie et expulsés à l’indépendance, avec leurs enfants et petits-enfants. Cette importante communauté est en voie d’assimilation mais garde une identité bien marquée.

Le troisième groupe est constitué par les juifs d’Algérie, Algériens de religion juive présents en Algérie avant la conquête française mais peu à peu assimilés aux Pieds-Noirs et à ce titre expulsés avec eux.

Enfin le dernier groupe rassemble tous ceux qui ont fait « un bout de chemin » avec l’Algérie, fonctionnaires, soldats, qu'ils soient de carrière ou appelés, coopérants, entrepreneurs, diplomates... Qu'ils soient allés en Algérie avant ou après l'indépendance, leur nombre est également très important.

En creusant un peu, notre étranger découvrirait aussi tous les accords bilatéraux qui font des relations entre les deux pays quelque chose de singulier, de particulier.

Il apprendrait par exemple que le recteur de la mosquée de Paris, capitale d'un état se voulant laïc, est désigné par l’Algérie. Ou bien il verrait que les ressortissants algériens ne suivent pas le droit commun des étrangers, mais qu'il existe pour eux des documents et procédures spécifiques.

Il serait surpris d'apprendre que l’Algérie, longtemps deuxième pays francophone au monde en nombre de locuteurs (après la France) n’est pas membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie (alors qu’on y trouve des pays où le Français est anecdotique, comme l’Éthiopie ou l’Albanie).

Il s’étonnerait également de la grande discrétion des manifestations de la culture algérienne dans ce pays, surtout s'il les compare à celles des autres peuples arabes et/ou maghrébins.

Ainsi, il chercherait en vain les restaurants algériens parmi tous ceux tenus par des Libanais, Marocains, Tunisiens ou Égyptiens. Il ne trouverait pas non plus pour l'Algérie l'équivalent des centaines de tour opérateurs existant pour la Tunisie, le Maroc ou l’Égypte.

Il s’effraierait sans doute de la violence nationaliste que peuvent manifester les algériens de France: drapeaux français remplacés par des drapeaux algériens à Toulouse et Villeneuve-Saint-Georges, invasion des pelouses du stade de France pendant un match « amical » France Algérie, etc.

Il noterait enfin la passion qui se manifeste dans ce pays dès que l'on parle de l’ère coloniale et de la guerre d’Algérie, il serait impressionné par les guerres de mémoire entre les communautés pied-noire, immigrée et harkie, les querelles sur les films traitant du sujet, les monuments, les livres, etc.

Il en viendrait à la conclusion d’un lien très ancien entre la France et l’Algérie, de l’existence de profondes blessures mal fermées et de la nécessité d’un travail historique pour y voir plus clair.

Pour tenter de trouver les racines de ce lien, je vais reprendre succinctement l’histoire de l’Algérie et le rôle de la France dans cette histoire. 

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