lundi 3 mai 2010

Orthodoxes et schismatiques (5) - Le christianisme: les orthodoxes

Après l'effondrement de l'empire romain d'occident, de nombreuses variantes du christianisme cohabitaient dans le monde, souvent de manière conflictuelle. C'est dans ce contexte que l'évêque de Rome, le Pape, décida d'uniformiser les liturgies autour du rite latin.

Il se heurta alors au patriarche de Constantinople, attaché à la liturgie grecque, et ce conflit donna lieu au premier grand schisme du christianisme.

A partir de cette date, en effet, les chrétiens relevant du Pape furent appelés catholiques, et ceux des différentes églises d'orient orthodoxes.

Il est à noter que la frontière entre les deux confessions correspond grosso modo à la frontière qui séparait jadis les deux moitiés de l'empire romain. Schématiquement, sont catholiques les chrétiens de l'ex-empire romain d'occident, et orthodoxes ceux de l'empire byzantin, héritier de la moitié est de l'empire romain.

Quelques points de doctrine supplémentaires différencient ces deux confessions, et les églises orthodoxes sont moins hiérarchisées que la catholique. Mais la séparation entre les deux christianismes resta superficielle jusqu'à la quatrième croisade, qui vit les croisés occidentaux se détourner de la Terre Sainte pour conquérir et piller Constantinople, la capitale du monde orthodoxe.

Cet acte entérina une rupture définitive entre catholiques et orthodoxes, lesquels n'oublièrent jamais ce sacrilège.

Le destin des églises orthodoxes fut également marqué par leur proximité géographique avec les puissances islamiques, arabes puis turques, qui les dominèrent longtemps. Ainsi l'empire ottoman conquit ou vassalisa une grande partie du monde orthodoxe (Grèce, Serbie, Bulgarie, Roumanie...), et ce pendant de très longues périodes.

Cette domination empêcha que la confession orthodoxe connaisse à l'extérieur de l'Europe une expansion équivalente à celles de ses rivales catholique et protestante.

L'exception notable à cette règle fut la Russie, qui est aujourd'hui de très loin le plus grand pays orthodoxe (un orthodoxe sur deux est russe).

Dominé par les descendants islamisés des mongols de Genghis Khan, le royaume des tsars s'en libéra assez tôt pour se lancer dans une longue expansion territoriale vers l'est, exportant dans la foulée sa foi en Asie et jusqu'en Amérique (en Alaska certains indiens ont gardé les rites des missionnaires russes).

La Russie orthodoxe s'est aussi peu à peu vue comme "la troisième Rome", notamment suite à la conquête de Constantinople par les Turcs, conquête vue comme une punition divine par les Russes. Le nationalisme russe a intégré cette dimension religieuse et messianique.

C'est aussi en Russie que sont nées plusieurs branches alternatives de l'orthodoxie, dont je citerai deux exemples.

1. les vieux croyants

A la fin des années 1600, l'église orthodoxe russe décida de se réformer, sous l'égide du patriarche Nikon. L'idée de cette réforme semble avoir été de rassembler les orthodoxes du monde entier derrière la Troisième Rome moscovite.

Pour cela, il fut décidé de changer les rites utilisés en Russie pour les faire converger avec ceux des Grecs. Cette réforme toucha essentiellement à la forme: nombre de alléluia passant de deux à trois, signes de croix différents, formules revues, etc.

Cependant, cette réforme allait entrainer un profond rejet d'une partie des Russes, et aboutir à un clash entre l'ancien et le nouveau rite. Ce dernier venant d'en haut, puisque le tsar y souscrivait, les "raskolnik", ainsi qu'on va appeler les fidèles de l'ancien rite, furent excommuniés puis persécutés et/ou exploités par les pouvoirs successifs de Russie.

Beaucoup d'entre eux durent s'enfuirent pour pouvoir rester fidèles à leur foi. On les retrouva dans les terres isolées de l'est de la Russie, mais aussi à l'étranger.

Nombre d'entre eux s'installèrent dans divers pays d'Amérique, mais aussi en Europe, notamment en Roumanie, où leurs descendants constituent la communauté des "lipovènes", qui vivent essentiellement dans le delta du Danube.


Très attachés aux rites, les raskolniks sont habillés de façon traditionnelle (avec notamment une longue barbe pour les hommes), vivent sobrement et entre eux, suivent le Carême et les rituels à la lettre, etc. On peut faire un parallèle dans la démarche avec les amish du monde protestant.

Il est à noter ces dernières années un souhait du gouvernement russe de "rapatrier" les raskolniks de l'étranger pour peupler une Sibérie qui semble se vider inexorablement.

2. les skoptzys

Bien plus étrange fut la secte des skoptzys, apparue en Russie vers la fin du 18ième siècle.

Au cœur de leur croyance était en effet la diabolisation de la sexualité, considérée comme un attribut du mal, ce qui poussait les adeptes vers la castration (ablation de la verge et/ou des testicules pour les hommes, des seins et/ou des lèvres pour les femmes). On pouvait toutefois se marier et avoir un enfant avant l'opération.


Il semble que cette secte ait rencontré un certain succès en Russie, y compris dans l'intelligentsia, ce qui entraina une répression du pouvoir, et la fuite d'une partie des skoptzys à l'étranger.

Comme les lipovènes, une partie d'entre eux s'installa en Roumanie, et nombre d'auteurs roumains classiques parlent des cochers châtrés de Bucarest. On pense qu'aujourd'hui ils ont disparu.

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